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Gallimard : galerie de famille

Photo Olivier Dion

Gallimard : galerie de famille

Antoine Gallimard, qui ouvre le 11 novembre à Paris la Galerie Gallimard, entend réveiller les liens entre art et littérature en y organisant des événements adossés au catalogue du groupe. Le P-DG de Madrigall s’inscrit dans les pas de son grand-père, qui avait créé plusieurs lieux d’exposition liés à sa maison.

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Par Pauline Leduc,
Créé le 10.11.2017 à 20h27

En cette fin du mois d’octobre, Antoine Gallimard a les yeux qui brillent. Dans son bureau de la rue Gaston-Gallimard où il nous reçoit, le P-DG de Madrigall s’occupe des derniers préparatifs avant le lancement de la Galerie Gallimard, qui ouvrira ses portes le 11 novembre au rez-de-chaussée du 30, rue de l’Université, à Paris (7e), dans l’immeuble occupé par les équipes de Gallimard Jeunesse. L’aboutissement d’un travail de deux années porté par l’éditeur et une poignée de collaborateurs tels Christel Chassagnol (responsable de la galerie), sa fille Laure Gallimard (chargée de la recherche et du développement de la maison), Alban Cerisier (éditeur et secrétaire général), Anne Lagarrigue (directrice artistique) et Valérie Tolstoï (responsable communication et presse). Mais le projet est en germe depuis bien plus longtemps.

Féru d’art et de peinture, Antoine Gallimard a "toujours rêvé" d’ouvrir un espace dédié à ces disciplines. "Le mot "galerie" peut créer un malentendu, puisqu’il décrit un lieu axé autour du commerce des toiles : l’espace que nous allons ouvrir proposera certes des pièces à vendre, mais il s’agira aussi d’un lieu d’animations et d’expositions", précise d’emblée l’éditeur.

Une longue tradition

Les 60 m2 de la Galerie Gallimard accueilleront, au rythme de six accrochages par an, des expositions d’œuvres en lien avec les auteurs et ou illustrateurs au catalogue des éditeurs du groupe Gallimard. "Et on ne s’interdit pas d’élargir notre spectre à l’échelle de Madrigall", ajoute-t-il. L’ouverture de la Galerie Gallimard intervient alors qu’Actes Sud, Glénat ou Libella ont eux-mêmes lancé leur propre galerie ces dernières années. Mais elle s’inscrit surtout dans les pas de Gaston Gallimard.

Le grand-père d’Antoine, fondateur de la maison devenue groupe, était lui aussi un grand amateur d’œuvres d’art qui, sous l’impulsion d’André Malraux, créa en 1931 son propre lieu d’exposition, la Galerie de la NRF. Durant trois ans, cet espace installé au deuxième étage du siège de l’éditeur accueillit des expositions comme "L’art des nomades de l’Asie centrale" ou des œuvres contemporaines de George Grosz. Après la guerre, Gaston Gallimard réitéra l’expérience jusqu’en 1951 avec la Galerie de la Pléiade, où l’ami de Raymond Queneau et d’Albert Camus, Mario Prassinos, qui illustra notamment Le mur de Jean Paul Sartre, exposa plusieurs de ses toiles et où furent aussi présentées des œuvres graphiques d’André Masson et des dessins d’écrivains maison. "Avec cette nouvelle galerie, nous rétablissons concrètement ce dialogue entre art et littérature qui fait partie de l’âme de Gallimard", explique son président.

Cette filiation trouvera toute sa place dans la programmation puisque Antoine Gallimard souhaite faire de la galerie une vitrine du patrimoine de la maison. En témoigne notamment l’exposition "André Malraux, éditeur", qui devrait y être présentée courant 2018, ou les pièces originales inédites issues des Archives historiques de l’éditeur qui seront mises en lumière lors du premier accrochage, "Autour de Patti Smith : Rimbaud, Genet, Camus, etc.". Cette exposition, organisée à l’occasion de la parution de l’édition intégrale illustrée de l’ouvrage de la chanteuse Just kids, souligne que la galerie a aussi vocation à accompagner l’actualité éditoriale des maisons du groupe.

Les jeunes talents ne sont pas oubliés. "Nous faisons appel dans nos maisons à des graphistes particulièrement doués, chez Folio par exemple, et à des dessinateurs talentueux en jeunesse ou en bande dessinée : je souhaite exposer le travail de ces artistes qui n’auraient pas forcément la possibilité de le faire ailleurs parce qu’ils ne sont pas connus", explique Antoine Gallimard, qui se réjouit de la liberté que confère l’adossement d’un tel lieu à une maison d’édition. "Nous ne sommes pas dans les mêmes logiques économiques que les autres galeristes, donc nous pouvons prendre des risques." D’autant que la galerie ne générera pas seulement les bénéfices des œuvres qui y seront vendues.

Un site marchand

Partie intégrante du projet, un petit comptoir de vente façon boutique de musée proposera des "produits exclusifs" conçus spécialement pour le lieu. A côté de l’ensemble de la gamme de papeterie Gallimard, on y trouvera des tirages argentiques de portraits d’auteurs de la maison, extraits de ses archives, comme ce cliché rare de l’écrivain René Char perché dans les arbres qu’affectionne particulièrement Antoine Gallimard. Mais aussi des tirages limités à 30 exemplaires numérotés et dédicacés d’illustrateurs jeunesse comme Antoon Krings, Romuald ou Cruschiform, et des éditions originales d’ouvrages de Simone Weil ou d’Antoine de Saint-Exupéry.

"Les œuvres mises en vente durant les expositions et l’ensemble de ces objets seront disponibles à l’achat sur un site marchand dédié que nous lançons le 24 novembre", annonce l’éditeur qui, malgré ce positionnement, ne conçoit absolument pas la création de la galerie comme une diversification de l’activité du groupe. "C’est une manière de continuer notre travail de passeur sous d’autres formes, en sortant ce que nous avons dans nos tiroirs, et que nous sommes les seuls à voir, pour les montrer à d’autres."

Rappelant que les maisons d’édition se nourrissent des courants extérieurs qui les traversent, Antoine Gallimard souhaite faire de cet espace un lieu ouvert à tous où se mêleront amateurs d’art et simples curieux, écrivains, éditeurs ou artistes.

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