Ce que lutter veut dire. « Face à la destruction de son habitat, le peuple a un devoir d'opposition. » Sur le tableau noir, les mots « devoir » et « opposition » sont soulignés, les militants qui leur font face en connaissent la portée. Parmi eux, Riopelle, un « éco-warrior » entré en clandestinité, dont la vocation est née l'été de ses 12 ans, quand le bois à l'arrière de sa maison est rasé à blanc. « Mets-toi des œillères, mon petit homme », lui conseille alors son père. Mais Riopelle n'y est jamais parvenu. « Soudés telles les mycorhizes des forêts millénaires », lui et ses camarades préparent l'opération Bivouac, visant à stopper la construction d'un oléoduc qui menace une forêt et sa biodiversité unique dans les terres du Haut-Kamouraska. Un combat de David contre Goliath, d'autant que les populations locales se révèlent difficiles à mobiliser. « Nous étions convaincus qu'il suffisait d'une étincelle pour les réveiller. C'est plus dur que ça, finalement. Notre Terre est en feu, mais ça leur importe moins que la fructification de leur pension. »
Au même moment, Anouk et Raphaëlle quittent leurs quartiers d'hiver et rejoignent la communauté de la Ferme Orléane. Si Raphaëlle est familière de ce projet agricole organisé autour d'un vivre-ensemble révolutionnaire, Anouk regrette déjà la solitude de leur yourte en Gaspésie. Peu convaincue par le modèle mis en place par cette « poignée d'idéalistes qui survivent, comme un village gaulois », elle préfère rejoindre sa cabane dans le Kamouraska, où sa route retrouve celle de Riopelle, avec lequel elle avait partagé des moments aussi brefs que passionnés. Les lecteurs d'Encabanée, le premier roman de Gabrielle Filteau-Chiba se souviendront de cette parenthèse de neige et de feu. Tout comme ceux de Sauvagines se rappelleront avoir laissé, après une terrible chasse à l'homme, Anouk et Raphaëlle dans une yourte en Gaspésie. Couronnant ce triptyque romanesque qui peut être lu comme un éveil au militantisme écologique, Bivouac rassemblent des personnages engagés, sensibles et parfaitement nuancés. Pas question ici d'adopter un ton moralisateur : le lecteur est d'abord saisi par la beauté d'une écriture au diapason des grands espaces canadiens, immenses et pourtant fragilisés par l'avidité humaine. Lyrique et viscérale, la plume de Gabrielle Filteau-Chiba dit le défi qui nous attend tous, accompagne la prise de conscience et encourage à l'action.
Bivouac
Stock
Tirage: 9 000 ex.
Prix: 22 € ; 416 p.
ISBN: 9782234092938