Lundi 6 novembre, 13h19. Le Renaudot a été attribué depuis moins de vingt minutes et déjà une internaute vient congratuler Alain Mabanckou, le lauréat, pour Mémoires de porc-épic (Seuil) sur son blog : « Je veux être la première à vous féliciter pour le Renaudot », écrit-elle. Dans les heures qui suivent, des dizaines d’autres vont l’imiter. Depuis l’été 2005, en effet, Alain Mabanckou tient blog sur la toile ( http://www.congopage.com/rubrique.php3?id_rubrique=217 ). Un blog où il n’est pas seulement question de littérature, mais aussi de politique, de société… Et à l’occasion un forum, qui s’ouvre à d’autres paroles, d’autres contributions, osant par exemple un regard progressiste sur la question très tabou de l’homosexualité en Afrique. L’an dernier, à la même époque, Alain Mabanckou, déjà en course pour le Renaudot avec Verre cassé , avait commenté, dans son blog, sa mésaventure, Nina Bouraoui l’ayant emporté d’une voix sur lui : « Il n’y a pas ‘’d’échec’’ ou de ‘’victoire’’ dans le monde des Lettres, la littérature ne relevant guère du pugilat, mais de l’expression la plus variée des univers, et chacun a le droit d’être sensible à tel univers et de ne pas être captivé par tel autre. Je salue donc ce prix Renaudot décerné à Nina Bouraoui, et je sais qu’elle saura toujours nous enchanter, avec cette écriture de pointe, faite de nervosité intelligente et de maturité dans l’Art… » écrivait-il, fair-play, dans son post du 4 novembre 2005. Cette année, il n’a pas encore réagi sur la toile, mais ses « fans », eux, crient largement victoire. Comme toujours, lorsqu’un prix littéraire est décerné à un représentant d’une minorité, l’interprétation est souvent politique : « On l’a eu ! » écrit ainsi une internaute, qui songe sans doute à englober toute l’Afrique. Mais ils sont surtout très nombreux à fustiger (ou à railler avec beaucoup d’ironie) la fausse nationalité attribuée au lauréat dans les médias français. « L’AFP, dans sa dépêche, vous présente comme franco-congolais, cela m’a fait sourire pour la récup », écrit ainsi un internaute à 14h46. D’autres relèveront la même erreur dans les différents journaux radio ou télévisés (ainsi du 20h de France 2 et même, plus embêtant, sur RFI…), la palme de la palme revenant, semble-t-il, à Michel Field, sur LCI, qui aurait présenté Alain Mabanckou comme… franco-sénégalais. La vérité, c’est qu’il est congolais tout court, né au Congo-Brazzaville. La francophonie est une belle chose, dont nous pouvons nous enorgueillir, surtout quand elle contribue à vivifier la littérature. Inutile de la polluer avec des relents de colonialisme.