Pas d'aîné ni de cadet chez les jumeaux. Les vrais se ressemblent tant qu'on s'y méprend souvent. Julien et Benjamin, leur mère Clarice, avec un « c » comme Clarice Lispector, auteure qu'elle admire et dont elle a forcé ses fils à apprendre par cœur les passages qu'elle adore, les reconnaît même de dos. Pour elle, c'est « Benjaminquejetaime » et « Julienquejetaime », ses deux trésors. Le narrateur du nouveau roman d'Isabelle Desesquelles, UnPur, est Benjamin, il se souvient de cette enfance jumelle, soudée, couvée par une mère espiègle et combative à la fois, actrice de profession et, de nature, conteuse d'histoires sublimées. Les vacances à La Palmyre chez pépé et mémé, à « taquiner le cochonnet », au menu : parties de boules et salade de tomates. Cette fois, on change, direction Venise. La mère emmène les garçons à la cité des Doges. La Sérénissime est cruelle - fini la gémellité de destins, c'est le tragique qui singularise la trajectoire du narrateur. Ce qui s'y joue l'amène quatre décennies plus tard dans le box des accusés.
L'homme mis en examen qui parle peut sentir sous sa barbe la boursouflure d'une vieille cicatrice, stigmate de la boucle de ceinturon du « Gargouilleur », le monstre de Bari, qui après l'avait enlevé, enfant, dans une ruelle de la place Saint-Marc... Passent les années. Mettant un couvercle sur cet épisode traumatique, Benjamin part enseigner au Mexique, où il loge chez la « veuve blonde » et sa très jeune fille. Pour la mère, qui pourrait être sa mère, et la gracile prépubère, il a de l'attrait... Isabelle Desesquelles fait tourner les pages et emporte son lecteur, mais en allers et retours dans le passé et le présent, en clair-obscur de fantasmes et de regrets, jamais en ligne droite - la vérité est torve.
UnPur
Belfond
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 18 euros ; 224 p.
ISBN: 9782714481948