Un an après un accord verbal à la Foire de Francfort 2009, le groupe italien Feltrinelli a signé à Barcelone un contrat pour pouvoir prendre 10% du capital de l'éditeur espagnol Anagrama, et 49% des actions d'ici cinq ans. Jorge Herralde, fondateur et directeur d'Anagrama a choisi de sacrifier l'indépendance de sa maison au profit de la holding milanaise Effe 2005, qui possède le distributeur de produits culturels Feltrinelli (103 magasins), le site de vente en ligne LaFeltrinelli.it et Giangiacomo Feltrinelli Editore.

Pendant cette période de cinq ans, Jorge Herralde restera aux commandes et gérera la transition, en compagnie de son épouse Eulalia Gubern, avant de devenir le Président d'Anagrama, qu'il vend dans une situation financièrement bonne. Il gardera une participation minoritaire dans sa société.

C'est la première fois que la maison d'édition transalpine investit à l'étranger. Anagrama, créée en 1969 dans la capitale catalane, quinze ans après Feltrinelli, est propriétaire d'un catalogue de 3 000 titres et diffuse ses livres dans l'ensemble du monde hispanophone.

Jorge Herralde, 74 ans, qui a reçu en 2006 en France la médaille de Commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres, souhaitait transmettre sa société à une maison ayant la même approche éditoriale. "Les éditeurs ne sont pas éternels" justifie-t-il à propos de cette vente. Il avoue partager les mêmes choix éditoriaux que "son ami" Carlo Feltrinelli. Par ailleurs, plusieurs éditeurs espagnols ont manifesté dans la presse leur satisfaction de voir Anagrama racheté par un groupe étranger, évitant ainsi une concentration mal venue en temps de crise. Selon El Pais, Gallimard et Planeta étaient aussi intéressés.

Depuis les années 90, presque tous les grands éditeurs ont voulu acheter Anagrama et son prestigieux catalogue, à commencer par José Manuel Lara (Groupe Planeta). Avec Planeta, mais aussi Bompiani et Hachette, Anagrama a créé en 2008 Enlaces Editoriales, dont la maison détient 34%, pour diffuser leurs livres en Espagne.

Jusqu'ici Jorge Herralde avait toujours voulu maintenir l'indépendance de sa maison. La perspective de la succession et l'offre d'un éditeur dont il est proche depuis ses débuts lui a fait changé d'avis.