La Cour d‘appel de Paris vient de statuer, le 22 février dernier, à propos d’une énième complainte émise par un auteur envers son éditeur pour «  manque de dynamisme  ». Les magistrats ont donné raison à l’éditeur qui a réussi à démontrer qu’il avait maintenu une exploitation permanente et suivie, conforme à la loi, ainsi qu’une promotion répondant aux usages ; et, par ailleurs, «  sans qu’il soit utile de rechercher (...) si l’éditeur a entrepris des démarches positives ou s’il s’est contenté de répondre aux sollicitations  ».   Rappelons en effet que, après la publication proprement dite, et selon les termes mêmes de l’article L. 132-12 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), « l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession ». À défaut de cette exploitation permanente, l’éditeur s’expose à une résiliation à ses torts, que l’auteur pourra obtenir en justice. Une juridiction a ainsi considéré qu’aucune réelle commercialisation n’avait lieu dès lors que l’ouvrage n’était disponible que par commande et n’avait connu comme diffusion que des encarts dans les propres revues de l’éditeur. La jurisprudence reste dans tous les cas assez sévère pour ce qui concerne la diffusion et la promotion de l’ouvrage, et a tendance, contrairement à ce que la loi lui indique, à ne pas se référer à la pratique de la profession. Une célèbre affaire, ayant opposé dans les années 50 Montherlant à Grasset, permet de mesurer ce qu’attendent les tribunaux des éditeurs : en l’occurrence, ils s’étaient penchés sur les tirages de départ, les réimpressions, l’état des stocks et des ventes, les avaient comparés avec ceux pratiqués par d’autres éditeurs, et avaient étendu ces comparaisons à la publicité et à la promotion auprès des libraires et de la presse. Selon la jurisprudence la plus récente, si aucune forme de publicité n’est prévue dans le contrat, l’éditeur doit procéder à une publicité conforme au type de l’ouvrage, c’est-à-dire, au minimum, à l’envoi de services de presse et à l’insertion du titre dans son catalogue. Il a été jugé que l’éditeur peut cependant arrêter une campagne de publicité inutile et trop coûteuse. Outre qu’il doit diffuser l’ouvrage, l’éditeur doit veiller à ce qu’il reste disponible. L’article L. 132-17 du CPI, pris en ses alinéas 2 et 3, envisage la résiliation automatique du contrat d’édition de l’ouvrage, si l’éditeur ne procède pas, « en cas d’épuisement, à sa réédition ». Précision : « L’édition est considérée comme épuisée si deux demandes de livraisons d’exemplaires adressées à l’éditeur ne sont pas satisfaites dans les trois mois . » L’éditeur peut aménager cette disposition par une clause lui accordant certains délais de réimpression et prévoyant une procédure à respecter par l’auteur insatisfait ou impatient (par exemple, l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception). Il est donc fréquent de garder, en cas de pilonnage, un nombre suffisant d’exemplaires qui permettent de répondre aux commandes épisodiques et, par là, de conserver le bénéfice du contrat d’édition en prévision d’éventuelles nouvelles exploitations parfois inattendues (cession pour une adaptation audiovisuelle, une traduction, etc.). Il est en revanche a priori illicite qu’un éditeur prévoie une clause lui permettant de retirer un titre de son catalogue avec la faculté de l’y réintroduire ultérieurement. De même, l’éditeur ne peut arguer d’une éventuelle nouvelle législation concernant le sujet traité, pour refuser une réédition alors que le livre était épuisé depuis plus d’un an. Cette vision des choses devrait cependant être remise en question avec les modifications du CPI prévues pour prendre en compte l’édition numérique qui, par définition, ne peut guère souffrir d’épuisement du stock.
15.10 2013

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