Avec Alpha… directions, paru en janvier 2009 (LH 759, du 9.1.2009, p. 35), Jens Harder se lançait dans l’œuvre la plus follement ambitieuse de la bande dessinée contemporaine. Le dessinateur allemand prétendait embrasser en trois volumes - ce sera finalement une quadrilogie - toute la destinée de l’univers, des origines à son futur possible. Plus fascinant encore : le premier tome, qui balayait en 350 pages les 14 premiers milliards d’années, du big bang à l’aube de l’humanité, se révélait parfaitement à la hauteur de ce projet mégalomaniaque.

Cinq ans après, le deuxième retrace l’émergence des civilisations, de la protohistoire aux premières sociétés de l’Antiquité. La méthode, le ton, le rythme de la narration restent les mêmes : dans des cases sans bulles, sous lesquelles il place parfois des textes très brefs au style didactique, Jens Harder convoque des représentations naturalistes et des figures tirées de l’histoire des sciences, les confronte à celles qui lui sont inspirées par l’histoire de l’art ou à des images plus contemporaines qui lui apparaissent de manière quasi subliminales. Il en ressort un ouvrage incroyablement foisonnant qui, des pyramides à la tour de Babel et aux gratte-ciel, de l’origine de la marche aux tapis de jogging, donne une épaisseur zoologique et philosophique, sociologique, épique et onirique à l’histoire du monde. Fabrice Piault