Édito par Fabrice Piault, rédacteur en chef

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"Nous ne pouvons pas réfléchir en chambre", proclamait Françoise Nyssen le 17 novembre dans Livres Hebdo, six mois jour pour jour après sa nomination le 17 mai 2017 comme ministre de la Culture, alors qu’elle ne cessait de multiplier les déplacements dans l’Hexagone. Après six mois supplémentaires dans la France profonde et rue de Valois, où l’ancienne présidente d’Actes Sud s’apprête à fêter sa première année, cette stratégie du contact lui est renvoyée comme un boomerang par les médias. "Vous savez ce que veut dire "faire une Nyssen" ? Etre évasif, enfiler les perles et les généralités. Mais aussi ne pas finir ses phrases, ne pas savoir synthétiser ni porter un discours clair", lâche férocement dans sa chronique du 30 mars le rédacteur en chef au Monde Michel Guerrin, qui lui avait déjà reproché le 9 février d’ouvrir "tant de pistes qu’on peine à voir le chemin".

Point de basculement: l’interview de la ministre le 7 mars dans la matinale de Nicolas Demorand, sur France Inter. Depuis, toute la presse se déchaîne, à commencer par François Morel le 9 mars sur la même antenne. "Ce matin-là […], elle répondit à chaque fois "je vais y réfléchir", "l’important, c’est de réfléchir", "c’est à réfléchir", "il faudra prendre le temps d’y réfléchir", "nous engageons à ce sujet une grande réflexion"", pointe Le Journal du dimanche (22 avril) dans un article titré… "Nyssen, ministre de la Lune". Le 24 avril, Libération consacre pas moins de six pages à "une ministre novice de forme", relevant aussi bien "l’énorme capital de sympathie" dont l’ex-éditrice a bénéficié que les bourdes qui l’ont dilapidé.

"On sait ce qu’on a : une ministre en formation", tempère le directeur du quotidien. Laurent Joffrin rappelle que "la politique, c’est un métier". Mais alors qu’on reproche à Françoise Nyssen de ne pas l’avoir compris, ne faut-il pas plutôt regretter le contraire? La ministre cherche tant à se couler dans ce nouveau métier qu’elle renonce à porter dans l’action publique les atouts de celui d'éditeur qu’elle a exercé avec tant de talent: identifier des créateurs et des idées fortes, les accompagner pour accoucher de projets porteurs, séduire et mobiliser le public autour de réalisations concrètes. Autant de piliers pour construire une politique et une action culturelles.

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