INDE

« Qui suis-je ? Que suis-je devenue ? Je compte sur ce livre pour me l'apprendre. » Quand, au bénéfice du confinement, Cécile Guilbert décide de regarder dans le rétroviseur de son existence, ce sont les paysages de la vallée du Gange et les temples de Bénarès qui lui apparaissent. L'Inde, elle la découvre étudiante à travers son oncle et sa tante, férus de yoga et de spiritualité hindoue, qui tentent de la convertir... d'abord en vain. La vingtaine rationaliste et sceptique, ce sont bien davantage Lautréamont, Rimbaud et Bataille qui la galvanisent que les mystères du Védanta.

MÉTAMORPHOSE

L'expérience du deuil l'incite néanmoins à se rapprocher de l'hindouisme, à travers lequel elle comprend que « nous vivons tous, peu ou prou, la même chose : grandir, souffrir, se transformer ou non, endurer la maladie et la perte de ceux qu'on aime ». Les voyages se multiplient et l'écrivaine semble vivre dans l'attente du nouveau départ, jusqu'à ce que l'Inde s'invite à Paris en la personne d'un maître yogi dont elle décide de suivre l'enseignement. « Parler de cette expérience est très intime. On risque de prêter le flanc aux moqueries dans notre société pétrie de bonne conscience rationaliste qui n'a que trop tendance à rabattre toute spiritualité "orientale" sur le jargon du "développement personnel". »

PARTAGE

Après Réanimation (Grasset, 2012), dans lequel elle revenait sur la maladie dont fut atteint l'homme qui partage sa vie, Feux sacrés est le second récit autobiographique de Cécile Guilbert. Le texte s'ouvre sur cette citation de Jack Kerouac : « Tout écrit qui n'est pas une façon de s'éclairer soi-même pourrira comme un corps. » « L'écriture de soi doit être traversée par autre chose que l'expression de l'ego », soutient l'écrivaine. « L'œuvre de Kerouac a une portée universelle au sens où elle s'est nourrie de la volonté de partager une expérience de manière réflexive avec un lecteur. »

FEUX SACRÉS

S'ils convoquent un imaginaire occidental de l'Inde, et le rituel séculaire de la crémation sur les rives du Gange, les « feux sacrés » du titre renvoient également aux pouvoirs de la littérature. « Je n'ai jamais pensé que lire et écrire des livres étaient suffisants, confie Cécile Guilbert. Les livres sont, dans le meilleur des cas, de tels réservoirs de connaissance et de puissance qu'il faut aussi aider à leur publication, en parler, les partager, voire les faire traduire pour que leurs feux rayonnent. »

PAROLE

Foisonnant, multiple, Feux sacrés contient plusieurs ouvrages en un et se lit comme un récit initiatique parcouru d'une insatiable curiosité pour un ailleurs qui n'en finit pas de nous fasciner. « L'Inde m'a fait comprendre que ce que je cherchais dans la littérature était de l'ordre du spirituel, résume Cécile Guilbert. Et le spirituel, en littérature, appartient à la parole, une parole qui vous éclaire, vous transforme, permet d'enchanter le monde et de lui donner un sens. » 

Cécile Guilbert
Feux sacrés
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 24 € ; 400 p.
ISBN: 9782246814832

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