Promenons-nous dans les bois... C'est un conte qui vire au cauchemar. Dans Season of Fear, la forêt qui borde Heulensee, petit village bavarois d'un autre âge, n'est pas peuplée de créatures enchantées et bienveillantes. Au contraire, la Hexenwald, comme on la surnomme - un nom qui signifie en allemand « la forêt aux sorcières » -, regorge de monstres en tous genres, de bestioles assoiffées de sang, et se mobilise, nul ne sait comment, pour piéger ceux qui s'aventureraient dans les bois. En échange d'une protection, les villageoises offrent leur peur au Saint, sorte de centaure polymorphe et tout-puissant qui kidnappe des jeunes filles et excommunie les plus indociles. Tel est le postulat de départ du premier roman d'Emily -Cooper. Cette biologiste, qui vit dans un cottage vieux de trois cent trente ans, se démarque par l'originalité de ce cadre et propulse la nature sur les devants de la scène, faisant de cette composante l'un des personnages principaux.
Ilse, la vraie héroïne de l'histoire, a 18 ans. Elle n'a jamais connu la peur et se montre incapable de la simuler. Pour sauver sa sœur, elle s'embarque dans une aventure sensorielle au creux de la Hexenwald, qui se fait tantôt sauvage, tantôt sensuelle. À travers Ilse et son regard aiguisé, l'autrice parle de son amour pour la nature : « Les nuages se déchirent. Un océan se déverse des cieux, au ralenti, et dessine d'infimes rivières au creux des pavés. Le tonnerre claque comme un fouet. [...] À Heulensee, la peur est une force permanente. Elle ne se dissipe et ne fane jamais. »
On retrouve dans cet imaginaire culturel occidental tous les éléments du folk horror, un sous-genre du cinéma et de la littérature d'horreur né au xxe siècle : un protagoniste en déroute est confronté à une zone rurale hostile, généralement occupée par une communauté tout sauf accueillante. Appétence pour la nature indomptable et critique des mentalités étriquées sont au programme, et c'est précisément ces points que le folk horror partage avec Season of Fear. En digne héritier moderne, ce roman se distancie du genre dans son propos politique, explicite sans être étouffant. Ici, il ne sera pas question d'un choc culturel entre les mœurs de la campagne et celles de la ville, mais d'une dénonciation du patriarcat semblable à celle du film récent The Witch de Robert Eggers.
Season of Fear
Casterman
Traduit de l’anglais par Rosalind Elland-Goldsmith
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 18 € ; 448 p.
ISBN: 9782203290129