26 août > Document France

Ecrivain publié, éclectique et confirmé, philosophe, Bruno Tessarech a ajouté il y a quelque temps une autre couleur à sa palette : comme pas mal de ses confrères, par goût ou pour la matérielle, il anime des ateliers d’écriture, notamment celui de la Fondation Bouygues Télécom. Modernité oblige, on trouvera à la fin de son livre un QR code qui, une fois flashé, permet au futur écrivain concerné, ou au simple curieux, d’accéder à une websérie de huit desdits ateliers, réalisée en 2013.

Précisons aussi, d’emblée, que les ateliers d’écriture à la française s’apparentent plus à des stages techniques de formation, à des magasins de bricolage où l’on vient chercher d’utiles tuyaux (comment commencer ? à quelle personne écrire ? quels temps employer ?, etc.) qu’à la sinistre creative writing made in US et maintenant partout exportée, entreprise de formatage, de calibrage, de gonflement artificiel du texte, qui a fait des ravages dans le roman globish. Tessarech la pointe du doigt, dans son livre, cette tendance à l’emphase, qu’il appelle "le syndrome américain", et sur quoi une grande partie de notre critique hexagonale s’extasie encore. Parmi ses autres conseils salutaires, on retiendra, outre le "relisez les maîtres" de la page 61, celui de connaître la grammaire et la syntaxe de notre langue, de plus en plus méprisées et malmenées par les impétrants, ou encore cet autre, en faveur de l’élagage, du dégraissage, de l’ellipse. De la rapidité. Le professeur tord aussi le cou à quelques idées reçues, telle celle qui voudrait que les personnages "échappent" à leur créateur. Foutaises.

L’atelier d’écriture est un livre positif, sympathique, précieux. Dont les maîtres et les références ont été puisés parmi les meilleurs, Eluard, Rilke, Ellroy ou Hemingway, entre autres, avec chacun sa spécificité, et c’est vital. Une littérature peut mourir d’uniformisation, de formalisme, d’un excès d’intelligence. Le nouveau roman nous a coûté très cher. "Pour qui écrit-on ?", estime Bruno Tessarech, devrait être la vraie question, plutôt que le sempiternel "pourquoi ?". Tour à tour maître-nageur, pilote d’avion ou artisan charpentier, le professeur file allègrement les métaphores, dans un style alerte et sans jamais se hausser du col. Evidemment, il prend le risque, et ses éditeurs avec lui, que nombre de ses lecteurs-élèves passent à l’acte, deviennent à leur tour auteurs et ajoutent à l’inflation de la production littéraire : "On comptera bientôt plus d’écrivains que de lecteurs." Dont acte.

J.-C. P.

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