En 2014, les ventes de livres numériques ont progressé de 45 % en valeur et de 60 % en volume, avec 8,3 millions de titres téléchargés, selon le bilan établi par GFK. Une hausse certes significative, mais inférieure aux prévisions : à 1,6 % du chiffre d’affaires total du marché national et 2,4 % des volumes, le livre numérique est encore un acteur marginal en France. "Les projections selon lesquelles le livre numérique allait prendre des parts au poche ont été calquées sur les marchés anglo-saxons, or la situation est bien différente chez nous", note Patrick Gambache. D’une maison à l’autre, le discours est sensiblement le même : bien que le prix de l’ebook ait diminué (7,70 euros en moyenne, soit - 9 % par rapport à 2013, selon GFK), ce dernier est appréhendé comme une offre complémentaire au poche, dont les éditeurs se sont peu à peu emparés. "Cela permet de trouver un livre épuisé dans sa forme physique, et de ne pas surcharger les librairies", détaille ainsi Marie-Christine Conchon. Chez Univers Poche comme chez les quatre autres acteurs principaux, la numérisation du fonds se fait de façon progressive, tandis que les inédits sont systématiquement numérisés et rendus disponibles sur des plateformes spécialement dédiées. Univers Poche a créé 12-21, sa marque 100 % numérique, à l’été 2012. Pour sa propre plateforme, L’Ebook, Le Livre de poche a mis au point certaines opérations spéciales, et a proposé aux acheteurs un dénouement alternatif en version numérique pour la nouvelle inédite Tu me plais de Jacques Expert. Dernier en date à prendre en main ce segment, Points a créé fin 2014 sa marque numérique, ePoints, centrée sur l’achat de "temps de lecture". Les achats de droits concernent d’abord les maisons du groupe La Martinière, mais ePoints ne s’interdit pas de travailler avec d’autres éditeurs, ni de proposer quelques inédits.
Lecture discrète
J’ai lu, enfin, a choisi de mettre l’accent sur la littérature de genre et de dédier une plateforme à ses lectrices. Sur le site J’ai lu pour elle, toutes les romances sont disponibles à la fois en version numérique et papier, et certaines "novellas" inédites sont aussi proposées uniquement en ebook. L’éditeur de poche n’a pas fait ce choix au hasard : le sentimental est l’un des genres les plus dynamiques en numérique. Harlequin, sixième éditeur de poche en valeur et en volume à la fin 2014, y a réalisé 20 % de son chiffre d’affaires en 2014, selon Antoine Duquesne, directeur marketing d’Harlequin France, et le label HQN, 100 % numérique, créé en mars 2013, affiche une belle vitalité. "On voit l’avenir en numérique. C’est un marché moins segmenté, qui stimule la lecture et permet de tester des contenus plus variés. L’achat est aussi moins réfléchi." Et la discrétion offerte par la lecture sur liseuse ou tablette n’est évidemment pas étrangère à ce succès, tout comme le prix, inférieur de 20 à 25 % à celui du livre papier, qui se prête bien à la consommation "boulimique" des lectrices. Chez Milady, onzième éditeur poche en volume et troisième poids lourd du sentimental, "10 % des ventes se font en numérique", explique Jérôme L’Hour, responsable commercial numérique de Bragelonne, dont Milady est une filiale. Et comme Harlequin ou J’ai lu, qui a vu son lectorat se déplacer du sentimental "classique" vers le plus épicé, le genre érotique a le vent en poupe. "L’Américaine Maya Banks, dans notre collection "Romantica", était le 8e auteur le plus vendu par Apple sur l’année 2014." Quant aux tendances montantes, elles se situeraient du côté de la romance gay, selon le responsable. En décembre, Milady lançait d’ailleurs un appel à textes via sa page Facebook pour Emma, sa marque primo-numérique, expliquant attendre tout particulièrement des histoires "M/M", soit "male/male". Pour y dénicher le prochain Fifty shades ?