Quand on n’est plus que citoyen on voit les choses autrement. Après trente-cinq ans de journalisme, notamment politique, j’avais pris l’habitude de l’entrée par des portes dérobées, des strapontins des premiers rangs, des confidences des éminences. Voici donc la première élection présidentielle que j’observe en « vrai gens ». Comme c’est drôle ! Amoureux de Ségolène depuis des années (qu’est-ce qu’elle lui trouve à ce Hollande, je ne comprendrais jamais ?) je suis sa campagne au milieu du public ou devant ma télé. Je ne l’ai pas trouvé très bonne à la Salle Carpentier à Paris, le 6 février, mais la salle était chaude-bouillante. Je l’ai trouvé bien meilleure le 11 à Villepinte entre militants emballés et fabiuso-strauss-kahniens grinçants des dents. Mais l’émotion qui a traversé ce hangar, qu’on croyait construit pour quelques super A380, est parvenue jusqu’aux derniers rangs où j’ai chaleureusement suivi deux heures de discours. Bien meilleure, elle semblait avoir avalé dans la semaine « L’art oratoire pour les nuls». C’est, bien sûr, à la télévision le 19 que tout allait se jouer. Une télé en voie de poujadisation. La mode est donc à la suppression des intermédiaires. Virez-moi tous ces journalistes, politologues et autres sondologues qui brouillent le dialogue pur, vrai, sincère entre les vrais gens et le candidat. A tel point que dans « J’ai une question à vous poser » on se demandait quand PPDA allait servir le café au « pannel de Français représentatifs » puisqu’il était là au mieux pour passer les plats. N’y voyez aucun relent de corporatisme d’une vie antérieure mais Poivre n’est pas le pire des interviewers et le transformer en plante verte relève de Vidéo-gag. Comme tout téléspectateur de base, je me suis intéressé à la couleur de la cravate, pardon à la couleur de la veste, de Ségolène Royal. J’ai repris une deuxième part de tarte pendant les questions des petits commerçants. Et j’ai écrasé une larme quand la voix du handicapé s’est brisée. Mais j’ai surtout retenu une chose. Une petite chose, un détail que l’on dirait sans importance si la politique, comme le diable, ne se nichait dans les détails. Avez-vous vu les publicités qui ont coupé cette grande émission. Pendant les deux minutes de « pause » on a pu découvrir incrédule une publicité pour les assurances où une espèce de clown habillé en vert avec une écharpe quasi présidentielle répétait : « Je l’aurai ! Je l’aurai ! » Suivi d’un spot pour des horoscopes. Avant, dernière délicatesse, une publicité filmant en contre-plongée des jambes de femme à la jupe virevoltante pour vanter les qualités des « protège slips » Machin. Si TF1, ainsi que son patron l’a expliqué benoîtement à pour but d’offrir avec ses programmes du temps de cerveaux disponibles à Coca Cola, il flatte aussi parfois hélas les instincts les plus machos de nos beaufs publicitaires. C’est le moment où je me suis senti, moi l’homme hétérosexuel ordinaire, une femme comme les autres.
15.10 2013

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