Il en rêvait depuis longtemps. Journaliste, podcasteur, auteur, voilà Lloyd Chéry devenu scénariste de bande dessinée. Ce 15 mai, paraît chez Casterman sa première BD Vertigéo, en association avec Amaury Bündgen à l’illustration et adaptée de la nouvelle éponyme d’Emmanuel Delporte publiée en 2017 dans le recueil Au bal des actifs - Demain le travail (La Volte).
Avec cet album, Lloyd Chéry, touche-à-tout hyperactif spécialiste des cultures de l’imaginaire, ajoute une corde supplémentaire à un arc déjà richement pourvu : collaborateur au Point Pop de 2017 à 2023, fondateur en 2020 du podcast « C’est plus que de la SF », qui a récemment fêté son 200e épisode, il est aussi devenu en 2023 rédacteur en chef adjoint du magazine de bande dessinée de science-fiction Métal Hurlant, avec pour mission de développer la partie rédactionnelle. En 2020 il avait déjà dirigé le mook Dune, suivi en 2021 par Tout sur Dune (L’Atalante et Leha) avant de créer en 2022 le prix de la BD SF. Manière de rappeler que, s’il est spécialiste de tous les domaines science-fictifs, le trentenaire à l’agenda bien rempli nourrit également un goût particulier pour le 9e art.
Jusqu’à envisager de se tourner vers le scénario. « J’ai toujours voulu faire de la BD comme scénariste, mais j’ai eu besoin de temps avant de me sentir légitime pour me lancer dans un projet, confie-t-il à Livres Hebdo. Pouvoir m’appuyer sur le succès du podcast et de Dune m’a aussi permis d’intéresser plus facilement un éditeur, en l’occurrence Vincent Petit chez Casterman qui a tout de suite été séduit. »
Métaphore brutale de la société du travail
C’est d’ailleurs avec un illustrateur « 100 % Casterman » que Lloyd Chéry s’est associé pour Vertigéo. « J’ai découvert Amaury Bündgen via son premier album Ion Mud, que j’ai beaucoup aimé et qui m’a donné envie de travailler avec lui », précise-t-il. Amorcée fin 2022, la collaboration entre les deux hommes a accouché d’une dystopie post-apocalyptique quasi entièrement en noir et blanc, le recours à la couleur dans les pages finales s’expliquant par un rebondissement narratif qu’on ne révèlera pas ici.
Avec son univers angoissant, « métaphore brutale de la société du travail », Vertigéo met en scène un monde ravagé où les humains vivent réfugiés dans une tour gigantesque à laquelle ils n’ont de cesse, sous le joug impitoyable de quelques-uns, d’ajouter des étages. En quête d’une illusoire rédemption, ils tournent leurs regards vers un ciel chargé de nuages qui leur demeure immuablement inaccessible. Jusqu’au jour où l’un des ouvriers entrevoit la vérité derrière l’impitoyable machine répressive.
Tirage de 8 000 exemplaires
L’album, qui bénéficie d’un tirage de 8 000 exemplaires pour une première mise en place de 5 000, s’inscrit dans la lignée de BD mythiques comme Soleil vert, Transperceneige, L’Incal ou Les cités obscures. « Vertigéo est un album qui assume totalement la série B, poursuit Lloyd Chéry. Même si j’ai ajouté quelques personnages et rebondissements, nous sommes restés très fidèles à la nouvelle d’Emmanuel Delporte. L’objectif était de proposer un shot de SF – d’où la pagination élevée de 136 pages –, avec une fin percutante et une couverture particulièrement soignée. »
Très identifié dans le milieu de l’imaginaire, Lloyd Chéry entend aussi créer l’événement autour de Vertigéo. Une démarche qu’il estime « indispensable pour émerger dans la masse à notre époque de surproduction ». La notoriété offerte par « C’est plus que de la SF » et ses quelque 20 000 auditeurs uniques mensuels permet au néo-scénariste d’accompagner Casterman dans la promotion tout en mobilisant sa communauté. « Aujourd’hui on ne peut plus se contenter d’écrire le scénario, il faut communiquer », complète-t-il, annonçant par ailleurs une tournée d’une dizaine de dates en librairies et dans plusieurs grands festivals littéraires. Il sera notamment à la Comédie du livre - 10 jours en mai à Montpellier, les 18 et 19 mai prochains.
D’autres BD à venir
S’il n’entend pas devenir scénariste de métier, Lloyd Chéry apprécie néanmoins l’exercice et aimerait publier un nouvel album « tous les deux ou trois ans ». Jamais à cours de projet, il ne s’interdit pas non plus, toujours en bande dessinée, d’investir les domaines du polar et de la biographie historique.