3 janvier > Roman France > Daniel Pennac

Pas facile, pour un écrivain, d’échapper à ses personnages, surtout s’ils sont épatants, et qu’ils ont fait son succès depuis des décennies : Au bonheur des ogres, premier roman de la saga Malaussène, date déjà de 1985. Daniel Pennac a eu beau tenter de faire le Chagrin d’école buissonnier, remportant au passage le prix Renaudot en 2007, de mettre sa plume au service d’autres sujets moins amènes (la maladie, par exemple), d’écrire pour le théâtre, le voici qui revient à ses premières amours. Les aventures abracadabrantesques de Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel aux éditions du Talion, éternel fiancé de la belle Julie avec qui il fuit Paris dans le Vercors et, à la suite d’une cascade de filiations acrobatiques, patriarche d’une tribu aussi nombreuse, multiculturelle qu’improbable. Sans oublier quelques satellites proches, comme les commissaires Coudrier ou Titus, flics amis de la famille, la Reine Zabo, sa patronne, ni la succession des Julius le chien.

Apparemment, ce retour s’annonce durable, puisque Ils m’ont menti constitue le premier tome du Cas Malaussène. Le roman, d’ailleurs, s’achève abruptement : qu’est devenu Georges Lapietà ? Un homme d’affaires plus que douteux, spécialiste des rachats subventionnés d’entreprises en faillite, ancien ministre (toute ressemblance avec un certain Bernard T. ne saurait être que fortuite), d’abord kidnappé vertueusement par les jeunes Malaussène pour faire un exemple, inventer "l’enlèvement caritatif", la rançon de 22 807 204 euros, parachute doré promis au milliardaire véreux, devant être reversée à une œuvre et à un curé de choc. Mais les amateurs ont été doublés par des professionnels, et Lapietà embarqué par de vrais méchants, en compagnie de son propre fils Tuc, qui se trouve être l’instigateur du premier enlèvement.

Ça, c’est l’intrigue principale, qui permet l’intervention des policiers et de Verdun, alias la juge Talvern, la sœur de Benjamin, remarquable de finesse, d’intégrité et de compassion. Mais il y a aussi les histoires adventices de Jacques Balestro, agent sportif mis en examen pour ses trafics de joueurs mineurs, ou encore d’Alceste, auteur d’un best-seller de "vérité vraie" intitulé Ils m’ont menti, un règlement de comptes avec sa famille qui lui a valu quelques ennuis musclés. Benjamin a été chargé par la Reine Zabo de le planquer dans son Vercors, le temps qu’il achève son livre suivant, Leur très grande faute.

Car ici, tout le monde écrit, ce qui offre à Daniel Pennac l’occasion rêvée de jouer avec le roman, les siens et ceux prêtés à ses personnages. D’ailleurs, Le cas Malaussène est le titre du livre du commandant Coudrier, sur les excès de la "cohérence romanesque". Jubilatoire et... à suivre. Jean-Claude Perrier

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