11 janvier > Roman France > Jean-Noël Orengo

C’était il y a deux ans. Un livre fou, monstre, fascinant, gorgé d’éclats de beauté incandescente et de colère. Rarement prix littéraires ne furent plus mérités que ceux - le Sade, le Flore - que reçut La fleur du capital, par lequel Jean-Noël Orengo faisait son entrée en fanfare et tout en énergie vivace dans notre paysage littéraire. Le revoilà donc, attendu au tournant et avec impatience pour L’opium du ciel, qui ne pourra que conforter les uns dans leur enthousiasme initial, les autres dans leur scepticisme. En fait, Orengo est trop intelligent, trop bien élevé aussi, trop consciencieux enfin, pour ne livrer qu’un "sequel" de son coup d’essai. A peine les "services" de la littérature l’ont-ils logé quelque part du côté de Pattaya et du naufrage terminal de l’Occident qu’il est déjà, vif-argent fuyant, ailleurs. Où ? Au ciel, résolument.

Ce serait donc l’histoire de "Jérusalem". C’est un enfant, un innocent, un dieu peut-être. Bref, c’est un drone. Un de ces jouets qu’ont désormais en commun les gosses et les militaires. Et justement, lui est "né" de la fusion d’un drone civil ayant appartenu à une toute jeune fille qui se convertira à l’islam intégriste et au califat, et d’un drone militaire américain. Jérusalem survole, surveille le monde. Rien ne lui échappe de la tristesse contemporaine et de celle des divinités dont son destin procède. Rien si ce n’est peut-être le plus inconnaissable pour lui de tous les savoirs humains, l’amour charnel.

Chacun l’aura compris, on ne résume pas L’opium du ciel, on part en voyage avec. N’étant pas l’imbécile qui regarde le doigt lorsqu’on lui montre la lune, on ne devra surtout pas le réduire à ses seules occurrences politiques ou théologiques, mais plutôt le considérer pour ce qu’il est : une épiphanie poétique. Il y a du Mallarmé, du Rimbaud et peut-être même du Cendrars, celui du Transsibérien, dans ces pages comme hantées également par le Necronomicon de Lovecraft. C’est dire l’ambition folle de ce livre : celle de croire encore que la littérature change notre regard sur le monde. O. M.

Les dernières
actualités