Ainsi que l’auteur s’en explique dans la postface qu’il a estimé nécessaire d’ajouter à son texte, La belle image, septième roman d’Arnaud Rykner chez le même éditeur, au Rouergue (« La brune »), « n’est pas un livre social, encore moins politique ». Et «il ne veut pas donner de leçon ». C’est cependant un livre engagé, au sens plein du terme. Vraie et fausse à la fois, née d’un point de départ authentique - Rykner a lui-même entretenu une correspondance avec un prisonnier, dont il cite, avec son accord, quelques extraits -, cette histoire est avant tout celle de la révolte d’un écrivain contre le sort réservé à un individu confronté à d’autres individus, qui forment ce qu’on appelle communément « la société ». Laquelle n’intéresse pas Rykner, dit-il. Lui, ce qui le passionne, c’est la psychologie de ses personnages, se glisser dans leur tête et dans leur peau. Formidable privilège du romancier, souffrance aussi, apparemment, et perpétuel questionnement. Rykner est un écrivain au cutter, qui va au cœur des choses sans effets de manches.
Après avoir effectué sept ans et demi d’emprisonnement (sur quinze), suite à une tentative de meurtre sur sa femme infidèle qui menaçait de le quitter, lui qui l’aimait d’un amour fou, absolu, destructeur, A. sort de prison, en liberté conditionnelle. Professeur, il a profité de son séjour derrière les barreaux pour se lancer dans la rédaction d’une thèse de littérature, faisant ainsi la connaissance d’un universitaire, son directeur, avec qui s’est noué un lien fort. Non point l’un de ces « visiteurs de prison » professionnels et confits en compassion, simplement un homme face à un autre homme. Une correspondance s’en est suivie, où A. a peu à peu livré des bribes de son histoire. Leur relation épistolaire (puis réelle) s’est poursuivie après sa sortie, où A. exprime son angoisse face à sa « liberté » recouvrée, à la suspicion dont on l’entoure quand même un peu dans son village. Mais le point capital, c’est savoir si l’Education nationale acceptera de le réintégrer, lui permettant ainsi de se réinsérer dans la société, ou bien, dans le cas contraire, le condamnera à demeurer gratte-papier dans un bureau quelconque. Une espèce de double peine. D’où cette interrogation, très perturbante : A. est-il vraiment plus libre aujourd’hui dehors que dedans autrefois ?
Toujours sur le fil du rasoir, Arnaud Rykner signe un roman bref et dépouillé, qui, une fois lu, recèle encore pas mal de secrets. Tout comme les deux individus qu’il a élus, à la fois protagonistes et narrateurs.
J.-C. P.