Après le raz-de-marée nordique, la vague française déferle sur le polar. Comme la littérature générale, le roman policier subit une pression économique qui l'éloigne des titres étrangers, parfois soumis à des enchères, nécessitant des traductions, avec des ventes en librairie en baisse et sans auteurs pour aller à la rencontre du public et des médias. De plus, suite au grand chambardement de l'année 2018 à la tête des maisons d'édition, les lignes ont évolué avec un éditeur qui accueille plus spécifiquement des auteurs français. Stéfanie Delestré partage la « Série noire » de Gallimard avec Marie-Caroline Aubert, chargée de l'étranger ; Gwenaëlle Denoyers édite les polars français du Seuil, « qui n'était pas sur ce terrain et a voulu y aller avec "Cadre noir" » ; Caroline Ripoll veille sur ceux d'Albin Michel. Eléonore Delair, directrice générale de Mazarine et directrice littéraire de Fayard, développe les auteurs français dans les deux maisons avec une inclination pour les thrillers psychologiques, plutôt situés dans le milieu familial pour la première, et des thrillers plus politiques, scientifiques ou sociétaux pour la seconde.
Des programmes plus français
L'évolution touche même « Rivages/noir » et son fonds très étranger. « La littérature étrangère est en crise. Les ventes baissent alors que les à-valoir montent et il faut se décider sur 60 pages, confirme Jeanne Guyon qui codirige « Rivages/noir » avec Valentin Baillehache. "Rivages/noir" était identifié aux romans étrangers - à l'exception d'Hugues Pagan publié par François Guérif - mais progressivement nous arrivons à la moitié du programme en français, soit six titres cette année sur un total de treize. »
Aux Arènes, Aurélien Masson a concocté un programme 2019 à 80 % français : « Ce n'est pas nouveau, c'est plutôt un travail dans la continuité. Sur les douze nouveautés 2019, dix sont signées par des auteurs francophones », déclare-t-il. Ingrid Astier (La vague, février), Thomas Bronnec (La meute, septembre), Pierric Guittaut (Ma douleur est sauvagerie, avril), Frédéric Jaccaud (Glory hole, mai), Thierry Marignac (L'icône, septembre), l'ont suivi de la « Série noire » à « Equinox », et il annonce aussi trois premiers romans français en 2020.
Pour l'éditeur, c'est aussi une mission d'accompagnement, de travail sur les textes, qui nécessite de laisser du temps aux auteurs. « La moitié de la programmation de la "Série noire" est française mais c'est moins vrai pour "La noire" où nous ressortirons uniquement Hervé Prudon », explique Stéfanie Delestré qui, après Thomas Cantaloube en janvier, annonce Elsa Marpeau en mars, Marin Ledun en mai, Chantal Pelletier, qui revient en mai avec un polar sur la gastronomie, Caryl Férey en fin d'année et Marc Villard en 2020.
La collection « Chemins nocturnes » de Viviane Hamy, qui fête ses 25 ans, offre un catalogue entièrement voué aux auteurs français : on y a vu débuter Fred Vargas, Estelle Monbrun (toutes deux remises à l'honneur avec de beaux coffrets), Dominique Sylvain, Philippe Bouin et Antonin Varenne. Chez Plon, Marc Fernandez, dont la collection « Sang neuf » sera désormais intégrée à la littérature générale, ne publie que des auteurs francophones. De son côté, Romain Naudin compte faire connaître le nouveau label Moissons noires grâce à Oxymort de Franck Bouysse, mis en place le 14 mars à 15 000 exemplaires. L'objectif est d'accompagner le livre par « des expositions, des salons, des dédicaces en librairie. Sans oublier la cession des droits poches », avant de publier au second semestre, Philippe Bouin et un primo-romancier ex-avocat, Pierre Bouchon.
Synergie avec le poche
« Au début, je cherchais des romanciers anglo-saxons, mais je me suis vite aperçu qu'il y a le même savoir-faire chez les auteurs français, nourris de séries télévisées », raconte Bertrand Pirel, qui dirige « Hugo thriller ». « C'est vrai qu'il se passe quelque chose. Les éditeurs français ont repris confiance et prennent des risques sur de nouvelles voix. On a tous compris qu'on pouvait aussi vendre les droits pour des traductions ou des adaptations », confirme Glenn Tavennec, directeur de « La bête noire » chez Robert Laffont, qui publiera en 2019 quatre auteurs français sur un total de quatorze.
Le polar français se vend bien. Dans les pas de Guillaume Musso, numéro un des ventes, on retrouve Michel Bussi, Bernard Minier, Nicolas Beuglet, Franck Thilliez, Fred Vargas, Jean-Christophe Grangé, Maxime Chattam, avec des scores importants et plusieurs titres dans le palmarès (voir p. 16). Le premier tirage de M, le bord de l'abîme de Bernard Minier (XO) est de 130 000 exemplaires. Parallèlement, la synergie avec le poche - 37 titres du top 50 sont dans ce format - fonctionne à plein. Grossir le ciel de Franck Bouysse s'était vendu à 5 000 exemplaires en grand format et a dépassé les 100 000 au Livre de poche.
Les lecteurs ne boudent pas les découvertes et on a vu émerger depuis quelques années Niko Tackian (Avalanche hôtel, Calmann-Lévy), Ian Manook, l'auteur de Yeruldegger (Albin Michel) qui publie chez « Hugo thriller » sous le pseudonyme de Roy Braverman (Crow, deuxième volume d'une trilogie), Sandrine Collette (Animal, Denoël) et Sonja Delzongle (Cataractes, Denoël, avril). Olivier Norek, remarqué pour Entre deux mondes (M. Lafon) sur Calais et les migrants, revient en avril avec Surface ; Franck Bouysse a deux titres en librairie en ce début d'année, Né d'aucune femme (La Manufacture de livres) et Oxymort (Moissons noires). Tandis que Frédéric Paulin (Prémices de la chute, Agullo) et Antoine Renand (L'empathie, Laffont/« La bête noire ») ont fait bruisser les réseaux sociaux. « Le public est demandeur de titres français et ne boude aucun genre », constate Gwenaëlle Denoyers.
Flirt ave la littérature « blanche »
Les grands prix décernés à des auteurs de polars, comme le Goncourt à Pierre Lemaitre, pour Au revoir Là-haut en 2013 et à Nicolas Mathieu pour Les enfants après eux en 2018, œuvrent aussi à la reconnaissance du genre. Un genre devenu hybride au fil des années, qui flirte souvent avec la littérature dite « blanche ». « Les frontières sont de plus en plus floues. Le douzième chapitre de Jérôme Loubry se situe vraiment à la frontière de la littérature et du polar et a très bien marché », souligne Caroline Lépée, éditrice de la fiction française chez Calmann-Lévy.
Comment les éditeurs dénichent-ils leurs auteurs ? Si Thomas Cantaloube (« Série noire ») et Charles Aubert (Bleu calypso, Slatkine & Cie), et les primo-romanciers du Seuil sont arrivés par la poste, les éditeurs ont mis en place des alertes. Décernés sur manuscrit, le prix du Quai-des-Orfèvres, publié par Fayard, ou le prix Matmut, édité par Denoël (et remporté par Philippe Laidebeur avec J'ai d'abord tué le chien), ouvrent parfois une carrière. Sylvain Forge, lauréat du prix du Quai-des-Orfèvres en 2018 (Tension extrême, Fayard), est revenu chez Mazarine avec Parasite. Bertrand Pirel a découvert son auteur vedette Vincent Hauuy sur la plateforme Fyctia lancée par la maison. Le livre Le tricycle rouge a reçu le prix VSD/RTL du Meilleur thriller français 2017 et atteint 135 000 ventes tous formats confondus. Le suivant, On ne peut pas fuir ses démons, paraît en mai. Les éditions de Saxus ont publié Les limbes d'Olivier Bal (repris en Pocket) qui avait fait un carton sur Amazon. Glenn Tavennec a lancé avec LeFigaro magazine le grand prix des Enquêteurs, pour « trouver les nouvelles voix ».
D'autres comme Marion Brunet (grand prix de Littérature policière 2018 avec L'été circulaire, Albin Michel et Le Livre de poche), Jean-Christophe Tixier (Les mal-aimés, Albin Michel), Bertrand Puard (Ristretto, Fleuve éditions, juin), Benoît Séverac (115, Pocket) viennent de la littérature pour la jeunesse.
L'ouverture se fait aussi du côté de la francophonie. « Parce qu'il voulait sortir des sentiers battus », Glenn Tavennec est allé chercher Patrice Guirao, né à Tahiti et d'abord publié au Vent des îles (Le bûcher de Moorea, mai). Slatkine & Cie « réinvente le polar suisse », selon Henri Bovet, avec Marc Voltenauer dont Le dragon du Muveran, publié en 2016 en France, atteint 50 000 ventes en Suisse (L'aigle de sang vient de paraître). Il édite aussi Nicolas Feuz dont le prochain titre paraîtra en août et annonce pour la rentrée Salvatore Mianni, un auteur belge d'origine italienne, et travaille sur un romancier canadien.
Venus de l'audiovisuel
Le cinéma et la télévision engendrent de nouveaux auteurs comme les scénaristes et réalisateurs René Manzor et Niko Tackian, coscénariste de Franck Thilliez pour la série Alex Hugo, Mickaël Koudero (La faim et la soif, « Hugo thriller »), Benoît Philippon et Clément Milian (« Equinox »), Laurent Scalese, Eric Cherrière et Xavier-Marie Bonnot (Belfond). Maxime Calligaro et Eric Cardère, auteurs des Compromis sur le Parlement européen (Rivages, préface de Daniel Cohn-Bendit), ont travaillé sur la série Parlement qui sera diffusée en fin d'année sur la plateforme numérique de France Télévisions. Toujours chez Rivages, les scénaristes Sylvie Coquart-Morel et Sophie Maurer signent sous le pseudonyme d'Ava Fortel un thriller littéraire, L'apocalypse est notre chance.
« Nos auteurs écrivent à quatre mains parce que, venant du scénario, ils ont une pratique de l'écriture collective », explique Valentin Baillehache. « Le scénario est un exercice différent de celui du livre. Une nouvelle génération de quadras émerge, qui prend plaisir à raconter des histoires », précise Caroline Lépée. « Avant, les scénaristes avaient tendance à styliser les personnages. Aujourd'hui, ils savent leur donner de la chair », ajoute Lisa Liautaud, directrice littéraire de la fiction française de Calmann-Lévy.
Le polar attire toujours des amateurs venus d'horizons très différents, pour lesquels l'écriture est un hobby, parfois une seconde carrière. Au Seuil, Gwenaëlle Denoyers publie un ambassadeur, Renaud S. Lyautey, une consultante sur le bien-être au travail, Sophie Chabanet, et un acheteur de boulons pour Alstom, Jacky Schwartzmann. Aurélien Masson inscrit à son catalogue un dessinateur industriel, un fonctionnaire, un auteur venu de l'audiovisuel et un journaliste. Chez Calmann-Lévy, Jérôme Loubry a été maître d'hôtel et rédacteur pour un guide gastronomique, et Elsa Roch est psychiatre, spécialiste de l'autisme. Quant à Vincent Hauuy, édité chez « Hugo thriller », il est concepteur de jeux vidéo.
Côté musique, on a un parolier, Patrice Guirao (« Hugo thriller »), un patron d'Universal Musique classique, Yann Ollivier (Plon, mai), un musicien, Bob Passion, pour Le cavalier hilare, un polar punk qui inaugure la collection « Vents noirs » de Vents d'ailleurs. Tandis que Marc Voltenauer travaille pour un laboratoire pharmaceutique et Charles Aubert dans les assurances (Slatkine & Cie). Quant à Marie Talvant (Plon), elle est youtubeuse.
« C'est une génération qui s'est détachée des grands maîtres anglo-saxons, et écrit en partant de ce qu'elle vit et de ce qu'elle voit, raconte Gwenaëlle Denoyers. Mais ils ne se sont pas lancés dans l'écriture en pensant écrire un roman policier et ne le revendiquent pas d'emblée, même s'ils sont contents de se retrouver au rayon polar. » « Le noir français a de plus en plus d'ambition, renchérit Aurélien Masson. La brèche a été ouverte dans les années 2000 par de jeunes auteurs qui avaient lu Ellroy et les grands auteurs américains, et se sont demandé "pourquoi pas moi ?". Ils n'ont pas à rougir de ce qu'ils écrivent. »
Les policiers, les hommes de loi, les journalistes, forts de leur expérience de terrain, alimentent aussi le vivier d'auteurs, avec des romans « très ancrés dans la réalité, qui savent à la fois manier un esprit critique et divertir avec de vrais personnages, note Marc Fernandez, éditeur des polars de Plon. On passe un bon moment, mais on réfléchit et on apprend des choses. » Outre le prix du Quai-des-Orfèvres, décerné chaque année au manuscrit écrit par un policier (et publié par Fayard), qui a fait émerger Danielle Thiéry, Olivier Norek est lieutenant de police, Georges Salinas a passé vingt-deux ans à la BRI et est intervenu à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes et au Bataclan (Le chat d'Oran, Mareuil éditions), Christophe Gavat est commissaire, Laurent Philipparie est officier de police et « conseiller technique d'auteurs » (Belfond), Pierre Pouchairet et Alex Laloue (qui écrit avec sa femme, Marie Talvat) sont des ex-flics, sans oublier l'avocat pénaliste André Buffard (Plon) et le procureur Nicolas Feuz (Slatkine & Cie).
Tous les styles
Côté journalistes, citons Thomas Cantaloube, grand reporter à Mediapart depuis 2008, dont le premier roman, Requiem pour une République, vient de recevoir le Landerneau Polar 2019 (« Série noire ») ; Philippe Huet, ex-rédacteur en chef adjoint de Paris-Normandie (Une année de cendres, « Rivages/noir ») ; Sophie Hénaff (Art et décès, Albin Michel), journaliste à Cosmopolitan ; Henri Vernet (Article 36, Lattès), rédacteur en chef adjoint du Parisien-Aujourd'hui en France ; Cécile Cabanac, ex-journaliste reporter d'images pour TF1 et journaliste à Sud-Ouest (Des poignards dans les sourires, Fleuve éditions) ; et Guillaume Demichel (Le premier rôle, Corsaire éditions, « Pavillon noir »).
Auteurs venus d'horizons différents ? Maturité du genre ? Les auteurs français, s'ils revendiquent toujours la figure tutélaire de Jean-Patrick Manchette, n'ont plus peur et jouent dans tous les compartiments : thriller, roman noir, roman psychologique, roman policier avec héros récurrent, roman ethnographique. « Nous avons la volonté de ne pas multiplier les titres et surtout d'équilibrer les genres, déclare Lisa Liautaud. Niko Tackian alterne les thrillers et les polars avec un héros récurrent, Tomer Khan, commandant de police parisien. Jérome Loubry et René Manzor écrivent des thrillers, Elsa Roch des romans noirs. Sans compter les textes à la frontière. »
Chez Corsaire éditions, Gilbert Trompas introduit la même variété dans le programme de « Pavillon noir » : polar historique (L'envers de la charité, Pascal Grand, mars), roman policier avec un lieutenant de la brigade criminelle (Le premier rôle, Guillaume Demichel), roman noir avec Jack Narval (Il était un petit navire, sur des réfugiés qui veulent passer en Angleterre, avril), polar gourmand avec Robert Reumont (collection « In vino veritas ») et polar maçonnique avec Jean-Michel Roche. « Julie Ewa allie la mécanique du thriller à une enquête sur un sujet social, comme les Roms dans Le gamin des ordures, souligne Caroline Ripoll, responsable des polars français chez Albin Michel, alors que Jean-Christophe Tixier fait du noir social avec Les mal-aimés, qui traite des bagnes d'enfants dans les Cévennes en 1884. »
Retour au réalisme
Même le roman noir a évolué. Toujours ancré dans la société contemporaine et toujours prompt à en dénoncer les dérives, il se retrouve à nouveau sur le devant de la scène mais avec des formes moins contraignantes qu'autrefois, plus large et plus hybride, avec le retour au réalisme. « Le roman noir aide à décrypter le réel, le monde. Il se situe toujours à la lisière des zones de tension, de conflit. La France périphérique, les politiques, le monde de l'entreprise, la mafia, le djihadisme sont des sujets », explique Aurélien Masson, qui cite Rituel de Kenan Görgün, un auteur belgo-turc, dont l'intrigue se situe à Molenbeek. Dans un monde de plus en plus chaotique et violent, le roman noir aide à décrypter le monde. « En publiant des auteurs français, je veux montrer qu'il y a un terrain extrêmement riche », souligne Aurélien Masson, qui loue la variété des sujets abordés par ses auteurs : la politique et le mouvement #Metoo pour Thomas Bronnec, la fin de l'URSS pour Thierry Marignac, Los Angeles dans les années 1980 et l'industrie du porno pour Frédéric Jaccaud.
De leur côté, Jérôme Camut et Nathalie Hug s'attaquent à la protection de l'eau et à l'éco-terrorisme (Et le mal viendra, Fleuve éditions). Les nouvelles technologies apparaissent aussi en toile de fond de romans noirs : Parasite de Sylvain Forge (Mazarine) met en scène un méga ordinateur qui enquête aux côtés de l'héroïne, La transparence selon Irina de Benjamin Fogel (« Rivages/noir ») dénonce les réseaux sociaux. Luca, le nouveau Franck Thilliez (Fleuve éditions), aborde le danger du travail des data-scientistes et le transhumanisme. Pour Natalie Beunat, responsable du domaine français de Fleuve éditions, « Luca parle en creux du monde dans lequel on vit ». « Les auteurs sont en phase avec leur époque et sont d'un réalisme criant, non pas au nom d'une idéologie mais parce qu'il y a le feu », analyse-t-elle.
Pour Valentin Baillehache, un romancier comme Hervé Le Corre qui traite de la Commune (Dans l'ombre du brasier, janvier) trouve un écho à notre époque. « La désaffection des politiques, la recherche des utopies, remarque-t-il, des gens qui ont tout perdu et qui continuent malgré tout à se battre et à essayer de survivre, ce n'est pas sans rappeler le combat actuel des "gilets jaunes". »Marion Brunet qui dépeint la France des endettés et s'inscrit dans le polar social, Franck Bouysse et son roman noir rural, Eric Plamondon avec Taqawan, sont à la lisière de la littérature dite « blanche ». Cette hybridation du genre offre des débouchés inattendus pour Constance Trapenard, responsable du policier au Livre de poche et désormais directrice littéraire chez Lattès. « Ils ont été largement défendus par les libraires spécialisés, qui ont moins de nouveautés que les libraires de littérature générale et qui sont ravis d'avoir ces textes hybrides à la fois policiers et littéraires entre les mains, constate-t-elle. Quand les titres arrivent en poche, ils sont heureux de les conseiller à petits prix et font les miracles que l'on sait. »
Adaptations
Issue pour beaucoup de l'audiovisuel, cette génération intéresse le cinéma et la télévision. Les droits de Grossir le ciel de Franck Bouysse ont été achetés (ainsi que les droits d'adaptation en BD) ; ceux de Sandrine Destombes (« Hugo thriller ») l'ont été pour une série. Paname underground de Johann Zarca (Editions Goutte-d'Or et Le Livre de poche) va devenir un documentaire pour la télévision. Le tournage de la deuxième saison de la série télévisée tirée des Rivières pourpres de Jean-Christophe Grangé est en cours alors que celui du long-métrage de La daronne qu'Hannelore Cayre a elle-même adapté vient de s'achever.
Sophie Hénaff, lauréate du prix Polar en séries décerné par Quais du polar, attend l'adaptation de Poulets grillés ; Le jeu de la défense d'André Buffard a été vendu pour devenir une série de 6 × 52 minutes avec l'avocat pénaliste David Lucas pour héros récurrent. Toxique et Avalanche hôtel de Niko Tackian ont été optionnés par le cinéma : « Ce sont des histoires très visuelles. On imagine tout de suite ce que ça peut donner au cinéma », explique Constance Trapenard qui les a repris au Livre de poche.
Le polar et ses lecteurs se sont aussi mis à l'humour. Sophie Chabanel (Seuil), Pascale Dietrich (Liana Levi), Sophie Hénaff (Albin Michel), Jacky Schwartzmann (Seuil) ont ce talent de faire rire les amateurs de polars, qui se montraient jusque-là très rétifs. Un nouveau signe de maturité.
Le polar fait des bulles
Polar et bande dessinée ont toujours fait bon ménage, et ce mariage avait même donné lieu à une belle collection de Casterman adaptant des titres de « Rivages/Noir ». Le genre a ses prix, le Fauve polar SNCF remis à Angoulême, récompensant cette année VilleVermine (vol. 1) de Julien Lambert (Sarbacane), ou le prix Clouzot de la BD adaptée, remis au festival Regards noirs de Niort, décerné en février dernier à Serena d'Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg (Sarbacane), d'après un roman de Ron Rash.
Après les adaptations du Dernier lapon d'Olivier Truc chez Sarbacane et de Nada de Jean-Patrick Manchette chez Dupuis, parues à l'automne, on voit arriver celles des Nymphéas noirs de Michel Bussi (adaptation de Frédéric Duval, dessins de Cassegrain), publiée le 25 janvier chez Dupuis, et le deuxième volume de Mourir sur Seine (scénario de Gaet's, dessin de Salvo) prévue le 24 mai chez Petit à petit. Glénat, qui a publié le 9 janvier Babylon Berlin d'Arne Jysch, d'après le polar de Volker Kutscher, et Robinson (Hachette Comics) annonce pour le 10 avril la première adaptation en BD du célèbre Juge Ti de Robert Van Gulik, L'énigme du dragon d'or, scénarisée par Frédéric Lenormand et illustrée par Frédéric Vervisch. Tandis que Grossir le ciel de Franck Bouysse devrait être adapté chez Delcourt.
Quand le polar s'amuse
Grande enquête dans la ville, murder party, escape game... Les éditeurs et directeurs de festival renouvellent les formes d'animation en mettant en scène le genre à travers des jeux participatifs.
A la place de lancements classiques, afin de promouvoir leurs auteurs et leurs livres, les éditeurs de polar préfèrent désormais inviter les lecteurs à jouer. Tandis que Quais du polar, qui se déroule du 29 au 31 mars, renouvellera sa « Grande enquête dans la ville », Univers Poche et Calmann-Lévy saisissent l'occasion pour proposer murder party et escape game aux visiteurs du festival lyonnais.
A Lyon, une rue bloquée
« "La grande enquête dans la ville" a pris tout de suite, et certains visiteurs ne connaissent même du festival que l'enquête. Beaucoup de gens de la métropole lyonnaise viennent chaque année en famille ou entre amis pour la faire », constate Hélène Fischbach, directrice de Quais du polar. Depuis cinq ans, l'enquête draine 15 000 participants sur quatre jours, essentiellement pendant le week-end (les jeudi et vendredi sont réservés aux scolaires) et le score a explosé en 2018 avec 20 000 personnes, si bien qu'une rue où étaient déposés des indices a été bloquée.
Jeu de piste classique au départ, « La grande enquête dans la ville » a évolué en un jeu de rôle avec des comédiens qui donnent des indices tout au long d'un parcours qui utilise l'architecture et les monuments. « C'est une occasion de faire entrer le public dans des lieux où il n'irait pas naturellement », commente Hélène Fischbach. En lien avec le pays invité, l'édition 2019, intitulée « Cocktail nordique », sera « remise au centre de la ville pour la 15e édition du festival, avec un petit village place de la République ». Ajoutons que, grâce aux partenaires, les lots pour les gagnants, deux billets d'avion et des liseuses (entre autres), motivent aussi les inscrits.
Comme un Cluedo géant
Bénédicte Gimenez, responsable des relations librairies et salons d'Univers Poche, est une habituée du genre. Depuis 2015, elle a organisé quatre murder party sur les sept étages du Furet du nord à Lille, réunissant 200 visiteurs autour des auteurs maison. « La librairie est le lieu idéal, on peut mettre en avant un polar procédural au rayon juridique, un polar historique au rayon Histoire. Le Furet du nord devient comme un Cluedo géant », explique-t-elle. Pour les 35 ans de la collection « Grands détectives », en novembre 2018, elle a choisi un escape game à la librairie Mollat, un jeu de piste avec des énigmes liées à l'univers de la collection et des indices délivrés par les élèves du cours Florent. « C'est notre record absolu. On a eu 1 350 personnes en quatre sessions d'une heure chacune », souligne-t-elle.
Depuis 2017, elle propose une murder party à Quais du polar, dans le Musée gallo-romain en 2017 et 2018, cette année à l'Institut Lumière ce vendredi 29 mars. Sept à dix auteurs (Pocket, Fleuve éditions et 10/18), à la fois suspects et témoins d'une disparition ou d'un meurtre, seront interrogés par le public qui joue en équipe et doit récolter des indices pour trouver les coupables en deux heures.
De son côté, Calmann-Lévy proposera pour la seconde année un escape game dans la cour de l'hôtel de ville de Lyon autour du livre de Niko Tackian, Avalanche hôtel. 350 amateurs en ont profité l'an dernier, si bien que l'éditeur a dû refuser du monde.
Une organisation lourde
Si les budgets restent secrets, l'organisation est assez lourde. Quais du polar fait appel chaque année à la même auteure lyonnaise, Christelle Ravey, « attachée à la ville et à son histoire », pour écrire le scénario et le parcours, qui varient en fonction du thème et des partenaires qui changent chaque année (Musée gallo-romain, musée des Confluences, Centre d'histoire de la Résistance et de la déportation). Calmann- Lévy fait appel à Team Break, qui collabore avec l'auteur et la responsable marketing pour l'intrigue, et se charge des éléments de décor.
Bénédicte Gimenez, qui organise une dizaine de murder party chaque année, décline le concept en fonction de la taille de la librairie, avec présentation du livre et dédicace à la clé. « J'ai une version pour 80 personnes avec un seul auteur qui va être suspect ou témoin d'un meurtre, commente-t-elle. C'est une bonne façon de déplacer cinquante personnes qui ne viendraient pas forcément pour une simple signature. »
Pour les éditeurs, il s'agit tout autant de promouvoir la marque et leurs auteurs. « L'opération donne une autre image de la librairie et lui permet d'attirer une nouvelle clientèle, qui ne la fréquente pas habituellement, souligne Bénédicte Gimenez. La moyenne d'âge était de 20-25 ans à la librairie Mollat. Au Furet du nord, les participants dialoguent avec les auteurs sans crainte de les approcher. Tous cherchent à s'amuser. On prouve que la librairie peut être un lieu ludique. »
Des jeux exportés en Allemagne et en Italie
Le modèle fonctionne si bien que Quais du polar l'exporte chez ses partenaires étrangers : la Foire du livre de Leipzig l'a proposé dans le cadre de son« Krimi à la française »(avec une arrivée dans le studio de télévision où se tourne une des plus célèbres séries allemandes) et à Palerme, dans le Jardin botanique où a lieu la Marina di libri, dans une version plus légère avec une application. « A chaque fois qu'on nous demande d'intervenir à l'étranger, on nous réclame l'enquête, explique Hélène Fischbach. Dix-huit personnes des Instituts français viennent cette année pour voir comment elle fonctionne car c'est un concept qu'on peut adapter facilement. »
Les 50 meilleures ventes Polar
Janvier-décembre 2018. Un polar écrit par un auteur français en poche est la recette gagnante de l'année. Sur les 50 titres du palmarès dominé par Guillaume Musso et Un appartement à Paris en Pocket (déjà meilleure vente polars 2017 en grand format), 37 sont des poches. Pocket est leader avec 18 titres, contre 13 pour Le Livre de poche. Fayard, avec le prix du Quai-des-Orfèvres, et Points, avec 2 titres chacun, suivent loin derrière, tandis que J'ai lu et Babel n'en ont qu'un seul.
Les ventes se concentrent sur un nombre restreint d'auteurs, la synergie avec le poche fonctionnant à plein. Michel Bussi reste le champion avec 8 titres dans le palmarès, 7 poches (Pocket) et la nouveauté, Sang famille en 14e position (Presses de la Cité). Le suivent avec chacun 4 titres : Bernard Minier, Harlan Coben et Mary Higgins Clark. On note aussi une domination du polar français (40 titres sur 50).
La surprise vient de Nicolas Beuglet, avec Le cri, un thriller qu'il a situé en Norvège, et de Vincent Hauuy avec Le tricycle rouge, un premier roman.
Source : Livres Hebdo/GFK
Rang | Titre | Auteur | Editeur | Prix |
---|---|---|---|---|
1 | Un appartement à Paris | Guillaume Musso | 8,10 € | |
2 | Famille parfaite | Lisa Gardner | Le Livre de poche | 8,10 € |
3 | T'en souviens-tu, mon Anaïs ? : et autres nouvelles | Michel Bussi | 6,95 € | |
4 | Nuit | Bernard Minier | 8,30 € | |
5 | Double piège | Harlan Coben | 7,90 € | |
6 | Au fond de l'eau | Paula Hawkins | 8,10 € | |
7 | Le cri | Nicolas Beuglet | 8,20 € | |
8 | Intimidation | Harlan Coben | 7,80 € | |
9 | On la trouvait plutôt jolie | Michel Bussi | 7,90 € | |
10 | Sharko | Franck Thilliez | 8,60 € | |
11 | Quand sort la recluse | Fred Vargas | J'ai lu | 8,40 € |
12 | La terre des morts | Jean-Christophe Grangé | Albin Michel | 23,90 € |
13 | Le temps des regrets | Mary Higgins Clark | Le Livre de poche | 7,60 € |
14 | Sang famille | Michel Bussi | Presses de la Cité | 21,90 € |
15 | Le signal | Maxime Chattam | Albin Michel | 23,90 € |
16 | Le suspendu de Conakry | Jean-Christophe Rufin | Flammarion | 19,50 € |
17 | Sœurs | Bernard Minier | XO | 21,90 € |
18 | Le manuscrit inachevé | Franck Thilliez | Fleuve éditions | 21,90 € |
19 | La fille du train | Paula Hawkins | 7,80 € | |
20 | Par accident | Harlan Coben | Belfond | 21,90 € |
21 | Jusqu'à l'impensable | Michael Connelly | Le Livre de poche | 8,20 € |
22 | Un cri sous la glace | Camilla Grebe | Le Livre de poche | 7,70 € |
23 | Sans défense | Harlan Coben | Belfond | 21,90 € |
24 | Le cercle des impunis | Paul Merault | Fayard | 8,90 € |
25 | Origine | Dan Brown | Le Livre de poche | 8,70 € |
26 | Les enquêtes du département V. vol. 6 : Promesse | Jussi Adler-Olsen | Le Livre de poche | 9,20 € |
27 | Le temps est assassin | Michel Bussi | 8,20 € | |
28 | Dernière danse | Mary Higgins Clark | Albin Michel | 22,50 € |
29 | Trilogie des ombres, vol. 1 : Dans l'ombre | Arnaldur Indridason | Points | 8,00 € |
30 | Une enquête de Kay Scarpetta Chaos | Patricia Cornwell | Le Livre de poche | 8,40 € |
31 | Maman a tort | Michel Bussi | 7,80 € | |
32 | Le piège de la belle au bois dormant | Mary Higgins Clark, Alafair Burke | Le Livre de poche | 7,90 € |
33 | Sur un mauvais adieu | Michael Connelly | Calmann-Lévy | 21,90 € |
34 | Le tricycle rouge | Vincent Hauuy | Le Livre de poche | 8,40 € |
35 | Trois jours et une vie | Pierre Lemaitre | Le Livre de poche | 7,90 € |
36 | Nymphéas noirs | Michel Bussi | 7,60 € | |
37 | Origine | Dan Brown | Lattès | 23,00 € |
38 | La fille d'avant | J.P. Delaney | Le Livre de poche | 8,40 € |
39 | Un avion sans elle | Michel Bussi | 7,60 € | |
40 | Conspiration | Eric Giacometti | 8,60 € | |
41 | Le dompteur de lions | Camilla Läckberg | Actes Sud | 9,80 € |
42 | Une putain d'histoire | Bernard Minier | 8,20 € | |
43 | De si belles fiançailles | Mary Higgins Clark | Albin Michel | 20,90 € |
44 | Tension extrême | Sylvain Forge | Fayard | 8,90 € |
45 | Sleeping beauties | Stephen King | Albin Michel | 25,90 € |
46 | L'informateur | John Grisham | Le Livre de poche | 8,40 € |
47 | Mörk | Ragnar Jonasson | Points | 7,30 € |
48 | Au coeur de l'été | Viveca Sten | Le Livre de poche | 8,20 € |
49 | Glacé | Bernard Minier | 8,40 € | |
50 | Ne lâche pas ma main | Michel Bussi | 7,30 € |