Déception dans les rangs du parascolaire. Annoncée comme l’année de tous les possibles, 2016 n’aura pas tenu ses promesses. Les ventes accusent un tassement de 0,5 %, établi selon nos données Livres Hebdo/ I+C. La réforme des programmes scolaires, entrée en vigueur à la rentrée et d’une ampleur inédite, n’a pas permis au marché de renouer avec la croissance. Et les mois de septembre et octobre ont vu de telles contre-performances, notamment sur le marché des classiques pédagogiques, qu’elles n’ont pu être compensées par le léger rattrapage constaté en fin d’année.
Réduction du panier moyen, focalisation des achats sur le scolaire pur, trop grand afflux de nouveautés dans les circuits de distribution qui ont pourtant joué le jeu…, les éditeurs tâtonnent pour trouver une explication mais misent sur le fait que 2017, an deux de la réforme, devrait se montrer plus favorable. Rachel Duc, directrice du parascolaire chez Hatier, constate "plus qu’un repli, un étalement des ventes lié aux nouveaux programmes, ce qui devrait permettre d’enrayer la baisse constante du marché". Un raisonnement qu’adopte également Laurent Breton, directeur du pôle grand public chez Magnard. "A la rentrée, les parents étaient focalisés sur des points particuliers de la réforme, qui ont masqué l’ampleur des changements au quotidien pour l’enfant. Ils ne se sont donc pas inquiétés outre mesure. D’autre part, les enseignants ont eu besoin de temps pour digérer la masse d’informations et voir ce qui fonctionnait. Maintenant qu’ils ont pris un peu de recul, la prescription va pouvoir jouer à plein", espère l’éditeur.
Malgré un impact commercial mitigé, la réforme des programmes a tout de même rebattu certaines cartes sur le segment du soutien. Cécile Labro, directrice parascolaire et pédagogie d’Hachette Education, assure ainsi avoir "repris du poil de la bête et des parts de marché au collège", alors que Quentin Gauthier, directeur marketing de Nathan Jeunesse, annonce "un marché florissant et une croissance à deux chiffres, sur le soutien primaire notamment". A l’opposé, Hatier, Bordas, Belin et Magnard affichent des résultats plus mitigés. Pour retrouver le chemin de la croissance, la filiale éducation d’Albin Michel parie sur une nouvelle collection d’entraînement, qui sera commercialisée ce printemps. Pensée avant la réforme, elle devrait s’éloigner du format classique du cahier et adopter une optique nouvelle, censée couvrir les besoins de l’élève et non celui des parents en jouant notamment sur la rapidité. "Avec ce produit, nous faisons un pas de côté : l’objet et le contenu n’existent pas encore sur le marché", promet Laurent Breton, qui reste persuadé que la prime revient toujours à l’éditeur qui garde sa capacité à innover.
S’éloignant du marketing et d’une production uniforme, les éditeurs de parascolaire, influencés notamment par les nouvelles approches éducatives, privilégient en effet l’inventivité et l’originalité pour faire la différence plus rapidement. Propice à cette stratégie, le segment de la maternelle et des premiers apprentissages, parfois délaissé en 2016, revient en force en 2017. Refontes, nouvelles éditions et produits originaux se bousculent dans les linéaires. Creuset d’innovation, la marque ombrelle "Bordas pour apprendre autrement" gagne ainsi en mars une nouvelle collection. Dédiée au primaire, "Mondes étranges" utilise la fiction et une forme ludique tels les défis ou la résolution d’énigme pour augmenter la motivation dans les révisions des notions essentielles en maths et en français. Mettant en scène deux personnages récurrents, Rémi et Ficelle, qui évoluent durant treize chapitres aux univers différents et où les illustrations s’invitent en pleine page, les 10 cahiers rappellent fortement les codes des albums jeunesse, une approche de plus en plus fréquente dans les ouvrages de parascolaire.
Formats novateurs
Pour compléter sa marque ombrelle, la filiale d’Editis lance le même mois trois nouveaux formats effaçables très originaux destinés aux plus petits. Complémentaires des ardoises classiques, sur lesquels la maison reste leader et dont la refonte a été commercialisée en janvier, ils se déploient sur fond noir et "renouvellent le support et le rendent plus ludique en s’ouvrant au dessin", note Thomas Massin, directeur marketing de Bordas. Mes premiers dessins animés propose ainsi de raconter une histoire en animant et scénarisant les dessins produits par les enfants grâce à un partenariat avec la start-up Wakatoon. Toujours placée sous la marque mais dans un format plus traditionnel, la série Après l’école, lancée en 2015 et qui favorise la manipulation et la fabrication pour réinvestir les notions vues à l’école, est rhabillée en février.
Plus généralement ces formats novateurs, qui s’appuient clairement sur la méthode Montessori et flirtent avec le périscolaire, connaissent en 2017 une explosion éditoriale. Sur le premier semestre, une soixantaine d’ouvrages se revendiquant de la pédagogue italienne sont annoncés, dont une bonne part émane des éditeurs parascolaires, qui ne veulent plus laisser le créneau aux seuls maisons ou départements jeunesse. De même qu’Hachette Education, qui commercialise une gamme "Montessori" inaugurée en janvier avec 3 livrets d’activités dédiés à la maternelle et centrés sur du coloriage, Larousse développe à partir de mars sa propre ligne. Composée de 12 titres, elle va du coffret pour s’initier à la lecture aux cahiers de vacances en passant par des mini-albums (Arthur et Mila). "Cette méthode suscite un réel intérêt chez les enseignants, séduits par la notion de manipulation, et fait l’objet d’une grosse demande des parents", plaide Carine Girac-Marinier, directrice du département dictionnaires, encyclopédies et périscolaire de Larousse.
Le concept est poussé encore plus loin par Belin. Avec Mon coffret d’activités Boscher (avril), qui couvre la maternelle et conjugue pâte à modeler, écriture sur ardoise, lecture sur papier et ateliers de manipulation, la maison "dépasse la méthode Montessori et cherche à apporter des techniques pour résoudre d’éventuelles difficultés, voire pallier des handicaps", soutient Annie Sirmai, directrice marketing. Un positionnement déjà exploré par Belin en octobre avec la mise sur le marché de "Colibri", une série de petits romans conçus sur mesure pour les enfants dyslexiques par une équipe de linguistes associée à des auteurs jeunesse. Etoffée de 6 titres en 2017, dont 3 au printemps, la collection est pensée, de sa charte d’écriture à son organisation texte-illustrations, pour "que la lecture ne soit plus une difficulté, mais un plaisir", expose Annie Sirmai.
Toujours pour la maternelle, Hatier mise plus classiquement sur les licences et les nouvelles éditions, qui jalonneront le premier trimestre, pour "prendre en tenaille le marché et rattraper Hachette et Nathan", explique Rachel Duc, chez Hatier. Refondue, "Chouette" arrivera sur les tables en mars, devancée par la nouvelle licence, Pat’Patrouille, censée contrer Peppa Pig. Déployée avec grand succès l’année dernière par Hachette Education, la facétieuse famille de cochons anglais a effectivement pris beaucoup de place, allant jusqu’à chatouiller l’indétrônable T’choupi de Nathan, dont les 9 titres se parent cette année de nouvelles couvertures et, en mars, d’une ardoise inédite dédiée à la découverte du temps et de l’espace.
Un coup de jeune
Pourtant moins attendue dans cette branche, l’innovation devrait aussi investir la préparation aux examens. En butte à un recul des ventes important et constant depuis plusieurs années, les éditeurs peinent à "trouver le fin mot des pratiques de révision, notamment celle des lycéens", témoigne Cécile Labro. Si la dernière formule originale, les compilations de fiches, lancée par Magnard et Belin en 2014, a permis d’atténuer la baisse, elle est désormais exploitée par l’ensemble des éditeurs, à l’exception de Nathan, et fait moins recette. Restant persuadée que "seule une réforme du lycée pourrait relancer la machine", qui demeure un poids lourd du parascolaire en volumes, Rachel Duc a tout de même préparé un nouveau concept, tenu secret jusqu’en juin. En attendant, Cécile Labro retravaille la couverture de ses "Objectif bac" et lui ajoute quatre tout-en-un composés de fiches alors que Bordas relance ses fiches "Défibac" en testant l’ajout au format papier d’une version numérique mobile en version ePub. L’autre levier de croissance du segment réside dans le nouveau brevet, dont les premières épreuves auront lieu en juin, et pour lesquelles toutes les maisons ont revu leur contenu.
Dernier moment fort de l’année avant la rentrée scolaire, les cahiers de vacances constitueront cette année le second enjeu pour les éditeurs. "Puisqu’il faut en refaire les contenus afin qu’ils soient conformes à la réforme, tout le monde va être dessus", pronostique Rachel Duc. A la peine avec "Hatier vacances", la directrice éditoriale en profite pour en rénover les maquettes "un peu raides" et y introduire davantage de ludique. Un coup de jeune dont bénéficiera également "Prêt pour" de Bordas. En réponse à Magnard, qui s’est démarqué en 2016 grâce notamment à des prix resserrés, Cécile Labro annonce une nouvelle collection "à petit prix" qui suppléera la non-reconduction d’ "Hachette vacances", dont les ventes sont estimées trop faibles. Mais la surprise pourrait venir de Play Bac, qui a choisi de recentrer ses efforts sur ce segment après quelques tentatives infructueuses de diversification. Parallèlement à la refonte de ses "Incollables", la maison persiste dans le ludo-éducatif avec une nouvelle collection de cahiers alternatifs de vacances s’appuyant sur des blagues pour "s’amuser en apprenant". Elle renforce également son offre de licence. Après Star wars l’année dernière, elle déclinera Peppa Pig sous forme d’éventails et Fort Boyard s’affichera dans trois cahiers destinés au cycle 2 (CP, CE1, CE2).
Le parascolaire en chiffres
Le technique en manque de visibilité
En attendant 2018 et des réformes des baccalauréats et BTS commerciaux, chaque acteur s’emploie cette année à consolider ses acquis.
Rarement en pile, à hauteur des yeux des consommateurs, le segment du parascolaire dédié aux filières professionnelles et techniques a encore plus pâti du manque de visibilité en rayon en 2016. En cause, la présence massive des ouvrages de parascolaire général. Par conséquent, "les élèves n’ont pas forcément trouvé les livres, et, dans ce secteur, il n’y a pas de seconde chance : s’ils ne trouvent pas, ils ne demandent pas et ne reviennent pas", constate Pascale Atgé. La directrice marketing du département technique et supérieur de Nathan exhorte donc les libraires "à ne pas oublier ce public cette année, qui, avec 600 000 élèves, est quasiment aussi abondant que celui fréquentant les filières générales et qui représente un vrai marché". Pour les aider, elle leur fera parvenir dès mars des livrets expliquant la structuration des filières. Ils accompagneront une PLV tenant compte des spécificités locales, notamment en BTS. Elle a également concocté une prime commerciale à destination des élèves, "directe et utile" : un feutre surligneur doublé de post-it. L’ensemble vise évidemment à asseoir la position de leader de Nathan et à consolider la refonte des 80 titres de la collection "Réflexe", achevée en 2016 et qui s’enrichira en mars d’une nouveauté destinée aux élèves de terminale STI2D permettant de préparer l’épreuve écrite des enseignements technologiques transversaux. Au total, Nathan publiera en mars une dizaine de guides par matière et complétera sa collection en fin d’année avec quelques titres dans des matières et pour des diplômes où la maison n’était pas encore présente.
Alors qu’Hachette Education concentre toujours ses efforts sur la filière ASSP, en promettant pour 2018, année de réforme des bacs et BTS commerciaux, "de gros changements", précise Cécile Labro, directrice parascolaire et pédagogie, Foucher, qui entame "l’année 2 de la fusion, s’en tient à sa politique sécuritaire", concède Nathalie Théret. Restant sur ses secteurs de prédilection et où elle est "légitime", les bacs techniques et les CAP, la maison conserve la même cadence de production qu’en 2016, soit une douzaine de titres, et garde le cap sur sa collection destinée aux BTS, "Le volum’", qui s’enrichira de cinq références.
Revers dans les classiques
La baisse enregistrée en 2016 devrait rester un accident de parcours selon les éditeurs, qui accentuent notamment leurs efforts de promotion et de communication auprès des enseignants.
Ce devait être le secteur le moins atteint par la réforme des programmes du collège et c’est finalement l’un de ceux où les cartes auront été le plus rebattues. En 2016, les classiques pédagogiques ont enregistré une baisse de 3,8 points selon GFK, et ont perdu 175 000 volumes sur la seule rentrée scolaire. Un coup de tonnerre dans un marché qui affichait depuis longtemps une croissance légère mais régulière et qui a été particulièrement touché par le recul brutal de ses meilleures ventes. "Nos cinq best-sellers, et particulièrement les textes contemporains, ont pris une grosse claque, témoigne Laurent Breton, directeur du pôle grand public chez Magnard. Et les prescriptions n’ont pas pu compenser ces pertes puisqu’elles se sont reportées sur d’autres titres moins attendus sur lesquels nous n’avons pas pu anticiper les tirages, trop courts. Nous avons donc raté des ventes", détaille l’éditeur, qui cite, comme ses confrères de Larousse ou d’Hachette Education, les ventes surprises de Pauca meae de Victor Hugo, ou de La Belle et la Bête de Jean Cocteau.
Pour expliquer cette contre-performance, les éditeurs pointent l’arrivée tardive des directives dans les écoles, qui s’est ajoutée aux changements liés aux nouveaux programmes : une organisation thématique et la disparition des listes de livres à lire obligatoirement. "Pris un peu au dépourvu, les enseignants se sont d’abord montrés attentistes avant de se replier vers des œuvres qu’ils maîtrisaient", analyse Laurent Breton, qui n’oublie pas toutefois de balayer devant sa porte. "Nous nous sommes aussi sans doute un peu trop reposés sur nos lauriers en ne remettant pas assez en lumière notre fonds", reconnaît l’éditeur. L’arrivage massif des différents manuels, qui a noyé les enseignants sous une masse d’informations et qui offre plus d’entrées pour étudier les thématiques, constitue, selon les éditeurs, un autre facteur du ralentissement des ventes.
Déroutée mais pas inquiète - les ventes de novembre et décembre se révèlent supérieures à la normale -, la plupart des maisons ont choisi de remettre l’accent sur la communication dès le printemps 2017. Travail auprès des libraires, remise en avant de l’ensemble des catalogues et propositions de textes selon les thématiques auprès des enseignants, il s’agit avant tout "de reprendre la parole", affirme Tiphaine Pelé, directrice éditoriale chez Flammarion. Dans une moindre mesure, les éditeurs ajustent et perfectionnent leurs contenus. Les "Petits classiques Larousse" bénéficient ainsi de pages de garde ornées de reproductions d’œuvres d’art alors que Tiphaine Pelé promet de jeter un "regard critique sur chaque édition afin de répondre aux nouvelles demandes". Grâce à un partenariat avec Audiolib, Hachette Education complète certains recueils ou certaines œuvres, telles Pauca meae, pourtant rééditée l’année dernière, de compléments audio, une initiative déjà testée en 2016 par "Les classiques pédago" du Livre de poche. Lancée en 2015 afin de "proposer aux enseignants, qui privilégient désormais les éditions parascolaires pour l’étude en classe, une gamme maison adaptée à leurs besoins", explique Isabelle Dubois, directrice éditoriale non-fiction et classiques au Livre de poche, la collection s’enrichira de six nouveaux titres dont un recueil de nouvelles fantastiques. De manière générale, les anthologies correspondant aux grands thèmes qui structurent les programmes reviennent en force dans les catalogues.
Seul Magnard annonce des changements marquants dans ses maquettes, sans vouloir en dévoiler plus. La filiale d’Albin Michel sera toutefois accompagnée par Belin, qui engage aussi la refonte de neuf des meilleures ventes de "Classico" "pour être encore plus en conformité avec les nouveaux programmes", justifie Annie Sirmai, directrice marketing de la marque d’Humensis. La maison portera également ses efforts sur le développement de l’innovante "Boussole". Inaugurée en septembre 2016 avec six premiers titres, la collection rassemble des textes patrimoniaux de la littérature jeunesse adaptés au cycle 3 (CM1, CM2, 6e), un public qui ne disposait pas de tels ouvrages. Très illustrés, disposant d’un dossier pédagogique élargi et d’un guide à télécharger pour l’enseignant, ces "véritables objets livres valorisants pour les professeurs privilégient le plaisir de lecture de l’élève", assure Annie Sirmai. Le concept sera enrichi de 6 nouvelles œuvres en mars et aura surtout à faire face à un premier concurrent. Fonctionnant exactement sur le même principe, la collection "Poche Larousse" sera lancée dès février avec quatre titres dont deux de Michael Morpurgo : Le joueur de flûte de Hamelin et Hansel et Gretel.
Meilleures ventes : moins de classiques, plus de vacances
Deuxième segment, en valeur, derrière les cahiers de soutien et d’entraînement, les cahiers de vacances écrasent, cette année encore, le classement GFK/ Livres Hebdo des 50 meilleures ventes d’ouvrages parascolaire. Avec 38 références placées, ils augmentent même leur poids par rapport au palmarès de 2016, qui n’en comptait que 35. Ces 3 titres supplémentaires sont apportés par la licence Peppa Pig, commercialisée par Hachette avec un certain succès et qui permet à la maison de rester leader, devant Nathan, des révisions de vacances.
En revanche, du côté des classiques pédagogiques, le top reflète les mouvements erratiques du marché. Magnard se fait ainsi souffler ses positions par Inconnu à cette adresse de Kathrine Kressmann Taylor, chez Flammarion, qui se classe 27e. Déjà en repli en 2015, Oscar et la dame rose d’Eric-Emmanuel Schmitt, le best-seller de la filiale éducation d’Albin Michel, n’occupe en effet que la 33e position et se retrouve même devancé de deux places par Pauca meae, le livre IV des Contemplations de Victor Hugo, toujours chez Magnard. Gallimard maintient Folio dans le classement avec L’étranger d’Albert Camus, qui descend du 37e au 41e rang, et parvient à placer in extremis Œdipe roi de Sophocle sur la dernière marche. Mais la maison ne peut rien pour son partenaire Belin, qui s’arrimait encore au classement l’année dernière avec L’ami retrouvé de Fred Uhlman, dans la collection "Classicocollège", qui en sort cette année.