Connaissez-vous Charles Dickens ? Né il y a deux siècles à Plymouth, il est l'auteur de 30 romans parmi les plus célèbres de la littérature anglaise. Mort riche et célèbre en 1870, il est considéré comme un des plus grands écrivains réalistes victoriens, s'est engagé pour la justice sociale, a donné naissance à des personnages qui font partie du patrimoine imaginaire mondial.
Connaissez-vous Charles Dickens ? La question serait impensable en Grande-Bretagne. Les manifestations organisées pour le bicentenaire de sa naissance montrent l'ampleur de sa célébrité. Sous l'égide du Charles Dickens Museum de Londres, de l'agence média Film London et du Dickens Fellowship, "Dickens 2012" proposera durant l'année près de 200 événements, dont 45 expositions (la plus grande étant "Dickens & London", au London Museum), 50 festivals et manifestations de rue, et trois rétrospectives des adaptations cinématographiques, dont une au Moma, à New York. Le réseau des 30 bibliothèques londoniennes organise de son côté 300 animations sur l'année. L'éditeur Penguin est partenaire officiel de l'opération, et a réédité sous coffret, avant les fêtes, les plus grandes oeuvres de Dickens ainsi qu'une biographie de Claire Tomalin que nos confrères anglais n'hésitent plus à qualifier de «best-seller".
Un marathon Dickens
>Sous la houlette du British Council, des colloques, expositions, pièces de théâtre et lectures auront lieu aussi dans les capitales européennes et les pays du Commonwealth, ainsi qu'aux Etats-Unis (où est même organisé un marathon des fans de Dickens !) Il y en a aussi en France... Mais peu.
Connaissez-vous Charles Dickens ? En effet, de ce côté de la Manche, la question n'est pas rhétorique. Le château d'Hardelot, dans le Pas-de-Calais, a proposé une exposition sur l'auteur ("Charles Dickens, l'inimitable », dont le catalogue est publié par Democratic Books) et accueillera un colloque et une fête du livre dédiés. Un autre colloque universitaire aura lieu, organisé par l'université Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand. Et des visites thématiques de Boulogne-sur-Mer, où Dickens séjournait souvent. C'est tout.
Du côté de l'édition, guère plus. Oliver Twist, David Copperfield ou Un conte de Noël font partie du fonds de commerce des éditeurs jeunesse, qui en publient régulièrement des adaptations ou illustrations. "Les histoires d'orphelins qui traversent des épreuves avec une fin heureuse sont archétypales", >explique Christine Baker chez Gallimard Jeunesse. Mais on ne peut pas dire que le bicentenaire fasse beaucoup de vagues dans les catalogues généraux : quelques retirages des classiques en poche, mais peu de nouveautés. « Folio biographie » a publié en octobre un texte inédit de Jean-Pierre Ohl. Le dossier de presse le met en relation avec le bicentenaire : "Nous essayons de programmer les sorties en fonction de l'actualité, >confirme-t-on chez Gallimard. Mais le tirage de cette biographie est le même que d'habitude : 6 000 exemplaires."
La stature d'un Zola ou d'un Hugo
Pourtant, la modernité de Dickens est de plus en plus reconnue par les chercheurs. Un colloque international les a réunis sur ce thème au château de Cerisy en août dernier. Mais la célébrité ne parvient pas vraiment à dépasser le cadre universitaire. La raison en semble être que le chauvinisme a longtemps été un critère déterminant des études littéraires en France (voir ci-dessous). Nous avons Balzac, pourquoi nous occuper de Dickens ? Nous avons Gavroche, que peut nous faire Oliver Twist ? "On peut dire que Dickens a la stature d'un Zola ou d'un Hugo, analyse Christine Baker. Mais peut-être qu'il concentre sur lui ce que les écrivains français se partagent à plusieurs, en termes de notoriété, de référence, de reconnaissance."
Cette forte notoriété a une conséquence inattendue : Dickens est en passe de devenir, dans le monde anglo-saxon, un personnage de romans d'aventures : le dernier best-seller de l'Américain Dan Simmons, Drood, part d'une anecdote de sa biographie, tout comme L'héritage Dickens de Louis Bay. "Charles Dickens était médiatique avant l'heure, >note Christine Baker, les Anglais s'intéressent à sa vie en plus de lire ses textes, qui sont dans tous les programmes scolaires. En France, on connaît mieux ses personnages."
Connaissez-vous Dickens ? Oui, je crois que je vois...