"La génération des hommes est semblable à celle des feuilles, chante Homère. Le vent répand les feuilles sur la terre, et la forêt germe et en produit de nouvelles, et le temps du printemps arrive." On aurait tant aimé que la beauté des vers, la simplicité des vérités énoncées, nous consolât de la réalité du monde. Les saisons passent et les hommes ne finissent pas de naître et de mourir. Dans les livres c’est beau, dans la vie c’est encore plus beau, et encore plus triste.
Traversée dans la région du cœur de Christophe Paviot est l’histoire de deux voyages en Suède, l’un fait en août 2013, le suivant en mai 2014. En 2013, accompagné d’Anna, originaire du Jämtland, et de Svéa, la petite fille qu’ils viennent d’avoir, le narrateur rend visite à la grand-mère suédoise de cette dernière afin de la lui présenter. Kerstin est une septuagénaire très heureuse de rencontrer sa petite-fille, même si la fillette d’un an ne lui rend pas la pareille. Le couple svéco-français est accompagné d’un couple bien français, les parents du narrateur : dans la maison, qu’ils ont échangée avec l’appartement parisien, le père s’est déjà installé devant la télé. L’année d’après, la famille refait le même trajet, va au chevet de Kerstin à l’hôpital, en train de mourir d’un cancer du pancréas.
Christophe Paviot revient avec une autofiction - on imagine qu’il y a un peu de vrai puisqu’il est précisé dans la notice autobiographique que l’écrivain, né à Rennes en 1967, "partage au maximum son temps entre la Bretagne et la Suède". Il noue avec un ton où la nudité des sentiments l’emporte sur le lyrisme imaginatif des premiers romans comme Le ciel n’aime pas le bleu (Le Serpent à plumes, 2000) ou Blonde abrasive (Hachette Littératures, 2005), ou sur sa fougue grunge ou politique. C’est que les printemps ont passé, et l’on découvre ici un Paviot presque sage, paysagiste des lumières scandinaves, déployant une réflexion sensible sur la mort et sur la transmission. Sean J. Rose
