Europe

Deutsch-französische Front für das Buch*

Alexander Skippis, directeur général du Börsenverein - Photo Detlef Baltrock

Deutsch-französische Front für das Buch*

La France se sent seule à Bruxelles dans sa défense d’un marché raisonné du livre, et les professionnels allemands s’estiment délaissés par Berlin. La réunion de ces deux solitudes produit une belle force de lobbying.

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Par Hervé Hugueny
avec Créé le 11.10.2013 à 19h48 ,
Mis à jour le 11.10.2013 à 23h52

Si les relations franco-allemandes étaient à l’unisson de l’entente qui règne entre professionnels et administrations du livre des deux pays, l’Europe vivrait dans une douce sérénité. Mais au moins, pour l’édition et la librairie, la communauté de vues et d’intérêts qui s’est confirmée le 9 septembre dernier lors d’un premier forum à Berlin était très rassurante (1), dans ce monde remis en question par l’arrivée du livre numérique. « Il y a une francophilie structurelle dans l’édition allemande, mais il n’y avait pas encore de coopération au niveau politique », explique Elisabeth Beyer, chargée du bureau du livre au service culturel de l’ambassade de France à Berlin, et organisatrice efficace de cette journée. L’absence de la ministre Aurélie Filippetti, retenue au dernier moment à Paris, en a toutefois affaibli l’impact médiatique. L’an dernier, une précédente réunion avait rassemblé les seuls éditeurs, avec Jacques Toubon venu expliquer passionnément sa mission sur l’harmonisation fiscale de la TVA sur le livre numérique. Que deux présidents français successifs et politiquement opposés mandatent un ex-ministre de la Culture très impliqué dans ce travail d’influence avait impressionné les professionnels allemands, qui se sentent peu soutenus par leur classe politique. Leur ministre de la Culture, Bernd Neumann, fait ce qu’il peut mais n’a presque aucun pouvoir, et peu de moyens administratifs ou budgétaires.

Echange de soutiens.

« Le gouvernement fédéral pourrait prendre exemple sur le gouvernement français », a résumé Alexander Skippis, directeur général du Börsenverein, à la fin d’une amère diatribe contre l’indifférence de Berlin. Le ton du dirigeant de la puissante fédération de l’édition et du livre, qui possède aussi la Foire de Francfort, a agréablement surpris les Français. Ils n’avaient aucun doute sur son soutien, mais la vigueur de son expression les conforte dans le combat qu’ils mènent à la Commission pour un prix fixe du livre numérique, assorti d’une TVA réduite. Deux entorses à la libre concurrence et à la réglementation sur la TVA, qui irritent Bruxelles où les représentants français de l’administration du livre se sentent en milieu hostile, ainsi que l’a vivement regretté Nicolas Georges, directeur du Service du livre et de la lecture.

Cet échange de soutiens bien compris, entre des Français pour lesquels le livre se vit comme un enjeu politique, et des Allemands à la tête d’un marché de 9 milliards d’euros, s’est concrètement traduit par une déclaration très engagée. Les entreprises européennes du secteur font face à Amazon et à Google, des multinationales « opaques et structurellement monopolistiques », dénoncent le Conseil culturel allemand, le Börsenverein, le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Syndicat de la librairie française (SLF). « Une domination sans partage de ces entreprises extra-européennes aurait un impact majeur sur nos cultures », ajoutent les signataires, qui insistent sur les principes d’un équilibre du marché : le prix fixe et le droit d’auteur, lesquels doivent être appliqués à l’identique dans le numérique et le papier.

Et ils rappellent ce qui reste à faire : « La directive européenne sur la TVA devrait […] être adaptée, afin de permettre aux Etats membres d’appliquer un taux réduit aussi au livre numérique, et les distorsions de concurrence, notamment sur le plan fiscal […] doivent être éliminées. » Ils demandent à leurs gouvernements respectifs d’élaborer « une stratégie de développement de la culture européenne du livre, qui soit ancrée dans le programme de travail de l’Union ». Ce texte n’aurait pas été possible avec les Anglais, et il n’aurait pas pesé le même poids avec les Espagnols ou les Italiens.

Rencontres semestrielles.

Cette déclaration sera maintenant présentée en Conseil européen des ministres de la Culture, explique Elisabeth Beyer. Une première réunion informelle aura lieu à Vilnius, le 1er octobre, préparant le conseil du 26 novembre à Bruxelles. Il pourrait déboucher sur une prise de position conjointe qui légitimerait les revendications des organisations professionnelles. En attendant, les administrations française et allemande ont poursuivi leurs échanges le lendemain, prévoyant des rencontres désormais semestrielles. La révision de la directive droits d’auteur les inquiète. Et la France est sous la menace d’une saisine de la Cour de justice à cause de sa TVA réduite sur les ebooks. Le soutien allemand sera utile : les partis en lice pour les prochaines élections sont tous d’accord avec la nécessité d’une taxe réduite sur le livre numérique. A la Commission, la direction générale Numérique est plutôt favorable, de même que celle du Marché intérieur. Un des conseillers de cette direction présent au forum de Berlin faisait partie de l’équipe qui avait enquêté en 2003-2004 sur la tentative de prise de contrôle d’Editis par Hachette. La Commission européenne avait alors une tout autre image dans le monde du livre en France. <

* Le front franco-allemand pour le livre

(1) Voir le compte rendu sur Livreshebdo.fr, et un lien vers un résumé en vidéo.

11.10 2013

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