Danaé Tourrand-Viciana, directrice éditoriale au sein du groupe Leduc
Danaé Tourrand-Viciana : "La littérature, une façon de vivre mille vies" (5/5)
Trophée de l’éditeur ou éditrice de l’année (5/5). Cette semaine, Livres Hebdo présente chaque jour un des nommés pour les Trophées de l’édition 2024 dans la catégorie éditeur ou éditrice de l’année. Aujourd’hui, Danaé Tourrand-Viciana, directrice éditoriale aux éditions Leduc. Une éditrice passionnée et toujours tournée vers le futur.
« J’avais l’impression que c’était trop merveilleux pour être un vrai métier », s’enthousiasme Danaé Tourrand-Viciana, directrice éditoriale au groupe Leduc pour les maisons d'édition Charleston, Alisio et Nami. Arrivée seule à 17 ans à Paris depuis la Réunion, elle s’intègre immédiatement à la capitale : « J’ai adoré Paris, la grandeur de la ville, l’anonymat et la vaste offre culturelle proposée », contrastant avec son île natale. Elle étudie les sciences politiques qui ne correspondent pourtant pas à sa principale passion : la littérature. « Ce serait triste, je vais essayer avant de me lancer dans une carrière longue et ennuyeuse ». Ce saut dans l’inconnu paye, après une entrée dans le monde de l’édition chez Belfond puis cinq ans chez HarperCollins, Danaé Tourrand-Viciana rejoint le groupe Leduc en 2018 au sein de Charleston.
Vivre mille vies
« J’ai adoré le dynamisme de la maison, tout est possible, cette énergie m’a beaucoup plu », assure-t-elle. Charleston, axée sur la littérature du féminin, prône et assume vouloir donner beaucoup plus de places aux femmes créatrices et comme sujets de créations littéraires. Elle devient ensuite directrice éditoriale des collections du groupe Leduc en 2020. L’éditrice et lectrice assidue, avec une centaine d’œuvres lues par an, apprécie voyager quand elle se plonge dans un livre : « La littérature c’est une façon de vivre mille vies, à chaque nouveau récit c’est une expérience en plus », raconte-t-elle enjouée.
Danaé Tourrand-Viciana identifie avec précision les critères de recherche pour éditer une œuvre. « Le sens du récit détermine pour moi la lecture d’un texte, je veux me dire “Je n’ai jamais lu ça” et trouver une impression d’originalité. Il faut que l’expérience soit très orientée vers le lecteur, un livre existe à travers la lecture d’une personne alors qu’un texte peut exister seul même s’il est de qualité. » Charleston édite notamment l’écrivaine irlandaise à succès Lucinda Riley ou Marie Vareille et son prochain roman La dernière allumette à paraître le 5 mars (l’autrice a précédemment vendu plus de 150 000 exemplaires pour Désenchantées). Dans la maison d'édition Alisio sont publiés essais et documents sur les sciences humaines et le développement de soi. En tête d’affiche, Robert Greene et son Power, les 48 lois du pouvoir vendus à plusieurs millions d’exemplaires, ainsi qu'un nouveau titre prévu en 2025.
En évolution constante
Mais l'éditrice ne compte pas s'arrêter là et continue d’explorer de nouveaux horizons pour Leduc avec la création, en 2022, de la maison d'édition Nami, centrée sur la littérature intime.« Je suis tombée amoureuse d’un très beau roman japonais intimiste avec une belle évolution des personnages, La bibliothèque des rêves secrets de Michiko Aoyama, raconte l'éditrice réunionnaise, mais ce n’était pas réellement l’ambiance de Charleston alors j’ai commencé à me lancer dans la création de cette nouvelle maison. »
Le roman deviendra le premier titre et le premier succès de Nami avec 20 000 exemplaires vendus en grand format et près de 50 000 en poche. La volonté de Nami : se concentrer sur les émotions et la vie intérieure des personnages. Des sentiments qui ont l’objectif d’atteindre le lecteur : « Je peux vraiment dire que j’ai aimé un livre si j’ai pleuré », confie-t-elle.
Parmi ses autres projets : « Les Indomptées », des bibliographies romancées de personnages féminins du passé telles qu’Amazone verte d’Élise Thiébaut retraçant la vie de Françoise d’Eaubonne et Dora Maar et le minotaure de Slavenka Drakulić. L’envie de mettre en avant la littérature étrangère tient à cœur l’éditrice qui a grandi en parlant le créole réunionnais. Elle étudie aussi l'espagnol, l’italien, l’arabe et le russe : « J’essaye de comprendre sans sous-titres les espions dans le Bureau des légendes », s’amuse-t-elle.
Toujours en évolution Danaé Tourrand-Viciana a de multiples idées en tête et les moyens pour leur donner vie. « Nous avons une grande liberté chez Leduc, si on veut monter un projet, on peut le mettre en application. » Un nouveau label de non-fiction est d’ailleurs dans les cartons, avec un lancement prévu pour la prochaine rentrée en septembre 2024.
L’Editrice ou l’Editeur de l’année
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L’auteur de La plus précieuse des marchandises (Seuil), récemment porté à l’écran par Michel Hazanavicius, brosse dans Quand la terre était plate le portrait de sa mère Suzanne, et raconte la toile de fond d’une époque et d’une famille de juifs d’Europe de l’Est qui a dû fuir les pogroms puis survivre l’horreur de la Shoah.