A lors que les électeurs se mobilisent faiblement pour un scrutin qui ne les passionne guère (ou choisissent l’abstention en forme de sanction), le milieu de la culture semble ignorer ce que les spécialistes commencent à appeler « l’article 35 ». Celui-ci figure dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui redéfinit les compétences de chaque instance, du conseil général au régional, en passant par la commune ou encore l’Etat. Or, aux termes de cet article, la culture sort de la sphère des « compétences générales » des collectivité territoriales. Ce qui signifie que la Région, tout comme le département ou l’intercommunalité, ne doivent plus s’investir que dans les domaines spécifiquement cités par la loi. Laquelle réattribue les affaires culturelles à l’Etat, en les excluant des « compétences générales » partagée par tous. En clair, les régions et autres collectivités ne peuvent plus, juridiquement, intervenir dans le domaine culturel, qui redevient chasse gardée de l’Etat désargenté. Bien sûr, une exception est prévue à ce principe qui part en sens contraire de la décentralisation : « en cas d’intérêt local », lequel est estimé par le préfet… c’est-à-dire par le représentant de l’Etat. Le vrai hic de l’histoire ? Les régions jouent désormais, par le biais des CRL (appelé MOTIF en Ile-de-France ou encore anciennement ARALD en Rhône-alpes) un rôle essentiel dans la politique culturelle, notamment livresque. Sans compter le fait que les lycées, terreau privilégié pour l’incitation à la lecture, sont du ressort des mêmes conseils régionaux. En parallèle, le ministère de la Culture jongle avec un budget de plus en plus ténu, et il a supprimé la direction du livre et de la lecture, soumise à une hiérarchie plus globale. Le texte de loi comportant l’article 35 a été voté le 4 février dernier au Sénat et devrait continuer son chemin parlementaire sans embûche. Nicolas Sarkozy s’était pourtant voulu rassurant lors de ses vœux aux professionnels de la culture, prononcés le 7 janvier : « Toutes les collectivités, des communes aux régions en passant par les intercommunalités et les départements, continueront à exercer leur compétence culturelle ». Il fallait sans doute n’entendre-là qu’une résolution de nouvelle année, aussitôt oubliée qu’esquissée (combien d’entre nous continuent de fumer, de ne pas faire de sport, de manger gars et de picoler, passé la première semaine de janvier ?). Il est vrai aussi que la rumeur parisienne — relayée à coups de « Quelqu’un m’a dit… » — évoque depuis quelque temps avec insistance un éloignement du Chef de l’Etat d’avec le milieu culturel qui lui est le plus proche.