La Jeanne Calment des revues littéraires — je veux bien sûr parler de la NRF — est partout : son centenaire a été l’occasion d’une déferlante médiatique. Et les chroniqueurs se sont jetés sur le travail d’Alban Cerisier ( Une histoire de la NRF , chez Gallimard) pour en disséquer les 600 et quelques pages. Dans le Point, Jacques-Pierre Amette salue le travail « impertinent » de l’archiviste de la rue Sébastien-Bottin : « Un récit coloré, piquant, ironique, documenté. (…) Alban Cerisier ne cache rien, au contraire, des divisions idéologiques, des fractures, des querelles et aussi des grandes convulsions de fond à partir de 1934 ». Dans Marianne , Guy Konopnicki et Virginie François écrivent au contraire qu’il « avance avec précaution (…) sur les zones d’ombre, dont seule la clairvoyance vient à bout », laissant entendre que l’archiviste salarié par Gallimard ne pouvait pas posséder « le regard distancié, (…) le regard d’historien, (…) le regard qui ne déforme pas ». Bref, à les en croire, Alban Cerisier réécrit plus ou moins l’histoire « et fait un peu vite de Gaston Gallimard un valeureux chevalier de la littérature française ». L’ennui, c’est qu’aucun élément concret ne vient appuyer leur démonstration. Du coup, l’exercice tient de l’instruction à charge par principe. Et perd de ce fait toute crédibilité. *** Patrick Besson est très en forme, ces temps-ci. Dans sa chronique du Point , sous le titre « Ennemis infimes », il tire à vue sur trois « confrères », Pascal Bruckner, Philippe Besson et Didier Daeninckx, que voilà rhabillés pour la fin de l’hiver — et les hivers prochains. « Aucune loi n’interdit d’être poli avec un auteur qu’on déteste », écrit Besson. Et il s’en donne à cœur joie. Dans VSD , Charles Dantzig, interrogé par Florence Belkacem, n’y va pas non plus avec le dos de la cuiller à caviar : il dit « ne pas supporter les auteurs de best-sellers sans conscience qui ont l’air d’essorer leurs brouillons plutôt que d’écrire ». Et de citer Marc Levy comme exemple. Ambiance ! Au-delà de la (double) anecdote, j’ai le sentiment qu’on va assister de plus en plus, via les médias, à ce genre de duels à fleurets plus du tout mouchetés entre congénères du panier de crabe littéraire. C’est peut-être la crise, qui veut ça, et pas seulement dans le petit monde des gensdelettres : un raidissement généralisé des positions des uns et des autres. A coup sûr, la fin du « consensus mou ». Tant mieux. *** D’après Le Point , toujours, mais de la semaine dernière, les Africains, jamais à court de bons mots, ont paraît-il depuis longtemps affublé Kouchner d’un sobriquet qui lui convient à merveille : « Le docteur Cout’cher ». C’est en tout cas un docteur qui rapporte à Fayard, et à Pierre Péan, son livre caracolant toujours dans le peloton de tête des meilleures ventes. *** Dans VSD , encore, un papier sur « La télé, le filon qui monte dans l’édition ». Confidences d’animateurs, mémoires de présentateurs, règlements de comptes sanglants… les titres, en effet, commencent à se bousculer. Mais avec des bonheurs inégaux. Interrogé par l’hebdomadaire, Didier Timmermans, « chef de produit à la Fnac » (sic), prévient : « Avec les forums sur Internet, les gens savent vite s’il n’y a pas de contenu et ils n’achètent pas ». Et Stéphane Billerey, « directeur commercial chez Plon », précise : « Le cancer, l’alcoolisme, la dépression, ça fonctionne si la personne [médiatisée] est crédible sur son sujet ». Tout espoir n’est donc pas perdu. Ayant depuis une semaine sombré dans l’alcoolisme et la dépression — très précisément, depuis que j’ai compris que j’étais en grand danger de rater ma vie, même si je n’ai pas encore atteint la cinquantaine —, il ne me reste plus qu’à écrire un livre qui relatera la progression inexorable de mon cancer du foie. Soutenu par les avant-critiques de Livres Hebdo (rubrique « Nos collaborateurs ont publié »), et le renom que me vaut ce blog, je peux encore espérer, avant de mourir, décrocher un succès de librairie et, avec mes droits d’auteur, m’offrir une Rolex. Et ainsi, au finish, j’aurai quand même réussi ma vie.