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Collèges : trouvera-t-on l’argent ?

Photo Olivier Dion

Collèges : trouvera-t-on l’argent ?

Après avoir attendu si longtemps l’entrée en vigueur de nouveaux programmes au collège, gage d’une relance de l’activité, les éditeurs s’inquiètent des risques de leur application simultanée.

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Par Hervé Hugueny
Créé le 29.05.2015 à 02h03 ,
Mis à jour le 29.05.2015 à 10h23

"Ce n’est pas encore officiellement annoncé, mais le lancement simultané des nouveaux programmes dans toutes les disciplines et toutes les classes du collège à la rentrée 2016 nous a bien été confirmé au ministère de l’Education nationale comme à la Direction générale de l’enseignement scolaire [DGSCO]", assure Isabelle Magnard. Présidente de l’association Savoir Livre, qui regroupe les principaux éditeurs scolaires, et directrice générale adjointe de Magnard-Vuibert, elle s’inquiète comme ses confrères du budget nécessaire pour financer l’achat de près de 20 millions de manuels pour 3,3 millions de collégiens, et des problèmes d’organisation que cela va engendrer.

Le ministère préfère apparemment régler la question du contenu des nouveaux programmes, objet de vives discussions, avant d’ouvrir un nouveau front de mécontentement chez les profs : ils seront obligés de refaire tous leurs cours en même temps, de la 6e à la 3e, car ils enseignent en général sur plusieurs niveaux. Justifiée par la réorganisation profonde du collège, cette application simultanée serait une première dans le secondaire. Contactés, le ministère comme la DGSCO n’ont pas répondu.

Illusoire

Grand paradoxe : cette hypothèse n’est pour le moment même pas prévue dans le projet de budget du ministère pour 2016, qui partait sur une base insuffisante. Il n’y aurait que 60 millions d’euros d’inscrits sur la ligne réservée aux achats de fournitures, "soit la somme qui permet de couvrir la réforme d’une moitié des disciplines, pour une classe d’âge, et qui était celle de la dernière révision des programmes du collège", rappelle Isabelle Magnard. A la décharge des gestionnaires de l’Education nationale, ce lancement groupé n’était pas prévu lorsqu’ils ont échafaudé le budget 2016, en s’appuyant sur un décret de 2013 qui annonçait une application étalée sur trois ans. Ils négocieraient actuellement une rallonge au ministère des Finances, mais il est illusoire d’espérer un financement complet : si 60 millions d’euros suffisent à acheter la moitié des ouvrages pour une année, il en faudrait huit fois plus pour un équipement complet sur quatre niveaux, soit 480 millions d’euros. Il faut aussi prévoir le financement du plan numérique (650 millions d’euros sur trois ans à partir de 2016).

Pour les éditeurs, une telle application simultanée pose un problème sérieux d’irrégularité extrême de leur activité : l’économie de l’édition scolaire ressemblerait à celle des publications de best-sellers, alors qu’ils doivent mobiliser un personnel bien plus important pour réaliser des manuels. D’autant qu’il faudrait aussi en préparer pour le primaire, un peu oublié, mais dont tous les programmes sont aussi révisés. En revanche, le budget de ces manuels est à la seule charge des communes (ou des parents).

"C’est une vraie réforme, très stimulante sur le plan pédagogique, avec un renouvellement que nous n’avions pas vu depuis longtemps", s’enthousiasme Odile Mardon-Kessel, directrice du secondaire chez Hachette Livre. "Mais ce serait aussi un investissement considérable, et s’il n’y a pas de budget suffisant, les éditeurs seront contraints de faire des choix", regrette-t-elle. D’autant que les programmes publiés à la mi-avril ne sont encore que des projets. Eu égard aux critiques dont ils font l’objet, leur version définitive promise pour septembre pourrait être très différente, et aucun éditeur n’a lancé ses auteurs. Comme les spécimens doivent être envoyés en avril-mai 2016, il ne restera que six mois pour leur réalisation.

Nathan se réorganise

Les éditeurs scolaires s’interrogent aussi sur la concurrence de l’Education nationale elle-même, notamment via les contenus numériques. C’est une des raisons qui ont conduit Nathan à restructurer complètement sa direction commerciale. "Les changements dans les circuits de financement, les décisions d’équipement, l’annonce d’appel d’offres numériques, la concurrence de la production publique rendent une réorganisation indispensable", explique Catherine Lucet, directrice générale adjointe du pôle Education et Référence d’Editis, dont Nathan fait partie. Les 32 postes actuels de délégués pédagogiques ou de représentants sont supprimés, pour recréer 26 postes avec un profil plus commercial, et 8 reclassements possibles dans le groupe.

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