Avant-critique Roman graphique

Colin Atthar, "Sur le bout des doigts" (Ankama)

Sur le bout des doigts - Photo © Colin Atthar/Ankama

Colin Atthar, "Sur le bout des doigts" (Ankama)

Pour son premier livre, Colin Atthar détaille sa quête d'identité, en parlant de mode, d'amour, de genre, de discrimination. Un bel exercice introspectif.

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Par Benjamin Roure
Créé le 19.07.2023 à 14h00 ,
Mis à jour le 19.07.2023 à 17h35

Connais-moi toi-même. On pourrait penser que proposer une autobiographie pour un premier album serait une forme de facilité. Pas besoin d'imaginer des univers, d'enquêter en profondeur sur un sujet brûlant, de créer des personnages convaincants. Juste regarder son nombril sous toutes les coutures et le raconter à tout le monde. Le livre de Colin Atthar prouve le contraire : se dévoiler, creuser en soi, comprendre qui l'on est, d'où l'on vient et où l'on va, et trouver une manière sensible, pudique et, osons-le mot, universelle, de le transmettre à des lecteurs inconnus, constituent un double pari des plus vertigineux.

Dès les premières pages, Colin s'interroge d'ailleurs sur le sens de son projet, et le bout par lequel le prendre. Il démarre par son goût pour les fringues décalées, évoque ses rondeurs, ses cheveux, ses tatouages. Futilités ? Oui, s'il ne révélait pas, sans fard, qu'on lui crache régulièrement dessus en le traitant de tapette ou de rouquin qui pue. Mais il faut aller plus loin, et sa petite voix intérieure l'y invite : procédé classique, un alter ego issu de son propre cerveau, à la fois Jiminy Cricket personnel et psychanalyste bon marché en forme de chat, viendra régulièrement le titiller, le recentrer, le pousser à se livrer. Colin hésite, louvoie, détaille sa passion pour le cinéma, décrit ses études d'art. Puis, il saute le pas, se rappelle l'homophobie et le harcèlement dont il fut victime au collège, distille des anecdotes sur ses rapports avec sa fratrie et sa mère. Et plus il repousse le cœur de son sujet, à savoir le questionnement sur son identité, plus il ajoute des pièces au puzzle de sa personnalité complexe. Des pièces qui seront toutes, in fine, indispensables pour comprendre pourquoi la confession de l'auteur fut si sinueuse voire douloureuse.

Il en ressort une bande dessinée autobiographique exemplaire, qui a su digérer celles des années 2000, quand le genre a explosé notamment via les blogs BD. Codes mangas assimilés, tronches à la Lisa Mandel, finesse de la plume rappelant Charles Berberian (dont il partage l'atelier), couleurs lumineuses sur une palette restreinte, Colin Atthar maîtrise les classiques de sa génération, mais impulse son ton propre et son style charnel. Une des belles découvertes de l'année.

Colin Atthar
Sur le bout des doigts
Ankama
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 18.90 € ; 136 p.
ISBN: 9791033517412

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