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Casse-tête chinois à l'UIE

En janvier 2015, Richard Charkin expliquait à Livres Hebdo que le lien entre le gouvernement et l’Association des éditeurs chinois empêchait l’entrée de celle-ci dans l’UIE. - Photo Olivier Dion

Casse-tête chinois à l'UIE

L’admission de l’Association des éditeurs chinois et de celle des éditeurs saoudiens au sein de l’Union internationale des éditeurs fait tanguer l’organisation. A la suite d’une fronde initiée par les syndicats d’éditeurs européens, elle a dû convoquer une assemblée générale extraordinaire pour modifier ses statuts.

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Par Anne-Laure Walter
Créé le 22.04.2016 à 01h00 ,
Mis à jour le 22.04.2016 à 10h04

"Richard, j’espère que tu savais ce que tu faisais quand tu as appuyé la candidature de l’Association des éditeurs chinois comme membre de l’UIE", a lancé Arnaud Nourry au président de l’Union internationale des éditeurs, Richard Charkin, lors d’une allocution au 31e Congrès de l’association dimanche 10 avril à Londres. Le P-DG d’Hachette Livre lançait un pavé dans la mare face à 200 professionnels du monde entier et montrait ainsi que le passage en force, lors de l’assemblée générale à Francfort en octobre, de l’adhésion à l’UIE de la Chine et de l’Arabie saoudite, continue de heurter. Alors qu’en janvier 2015 Richard Charkin expliquait à Livres Hebdo (1) que le lien entre le gouvernement et l’Association des éditeurs chinois empêchait l’entrée de celle-ci dans l’UIE, un vote peu transparent en a permis l’adhésion, allant à l’encontre de l’avis des comités qui composent l’UIE. Le directeur de Bloomsbury, sous la pression des intérêts économiques portés par les grands groupes anglophones, a permis la bascule du vote, selon les professionnels présents ce jour-là.

Menaces de retrait

Cette histoire empoisonne l’association depuis plusieurs mois. Les Scandinaves ont envisagé de se retirer. Les Allemands du Börsenverein ont exprimé dans une lettre, en janvier, leurs doutes sur la capacité de l’association chinoise à participer au comité Liberté de publier. Neuf associations d’éditeurs (France, Allemagne, Espagne, Italie, Islande, Portugal, Finlande, Suède, Norvège) ont demandé une assemblée générale extraordinaire, avant la prochaine assemblée annuelle de Francfort. Une démarche soutenue par le Japon, la Corée du Sud, le Québec ou la Turquie. En effet, en cas de désaccord, tout pays souhaitant sortir de l’association au 31 décembre doit le faire savoir avant août.

Les démons du commerce

L’assemblée extraordinaire a eu lieu à Londres, lundi 11 avril, dans la foulée du 31e Congrès de l’UIE. Après d’âpres débats, elle a abouti à une réforme des statuts, votée à l’unanimité, qui permet à l’UIE "d’avancer de nouveau avec confiance et force", assure Ben Steward, chargé de la communication et de la liberté de publier. Les membres des quatre comités (Adhésion, Copyright, Liberté de publier, Illettrisme) seront désormais élus et constitueront des garde-fous, au pouvoir renforcé. "Les nouvelles lois et les directives clarifient les processus par lesquels les nouveaux membres peuvent entrer, et permettent de veiller au respect des règles par les membres actuels", ajoute Ben Steward.

Pour ne pas être soupçonnés d’avoir vendu leur âme aux démons du commerce, les organisateurs du 31e Congrès de l’UIE ont pris soin d’y aborder les sujets qui fâchent. La censure des livres en Chine a été soulevée lors de la conférence "Les nouveaux censeurs, publier en temps de peur", dimanche 10 avril. Ola Wallin, président du comité Liberté de publier, y a rappelé l’affaire des Hong Kong Five, ces cinq professionnels du livre disparus l’an dernier avant de refaire surface après des mois de détention dans un commissariat de Chine populaire. Les cinq étaient aussi finalistes du prix Voltaire, nouveau nom du prix Liberté de publier de l’UIE, qui a distingué le Saoudien Raif Badawi emprisonné pour avoir créé le site Free Saudi Liberals. Le choix de ce lauréat, l’année de l’entrée de l’Arabie saoudite au sein de l’UIE, revêt une portée symbolique.

Créée il y a plus d’un siècle, l’UIE a toujours joué les équilibristes entre pragmatisme commercial et défense du copyright et de la liberté de publier, voyant s’opposer en son sein diverses visions politiques. La montée en puissance des Emirats arabes unis depuis qu’ils ont accueilli en 2010 le symposium de l’UIE à Abu Dhabi - Sharjah sponsorisait le Congrès de Londres - montre l’évolution de l’association, qui s’ouvre aux nouveaux partenaires commerciaux. Le prochain congrès se déroulera en 2018 à New Delhi, en Inde, sous la présidence du Néerlandais Michiel Kolman (Elsevier), qui succédera à la fin de l’année à Richard Charkin. d

(1) Voir LH 1026, du 23 janvier 2015, p. 36.

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