2 février > Roman France > Pierric Bailly

Un homme a été retrouvé, crâne fracturé, dans la forêt de Revigny, dans le Haut-Jura. Il a sans doute succombé aux blessures de sa chute. Mort accidentelle, a conclu le rapport de police. "Le sexagénaire", précise le journal, était parti à la cueillette aux champignons ; ouvrier à l’usine de casseroles du coin, il était à quelques mois de la retraite. C’est moche, trop bête, chacun y va de son commentaire à Lons-le-Saunier dont le défunt est originaire. La mort demeure mystérieuse. La région est habituée aux sinistres affaires - Jean-Claude Romand, le type à la double vie qui assassina femme et enfants et qui inspira L’adversaire d’Emmanuel Carrère, avait été dans sa classe. Mais le malheureux cueilleur de champignons ne se réduit pas au fait divers. L’homme de 60 ans brutalement décédé en forêt est le père de Pierric Bailly, qui lui consacre son quatrième livre, L’homme des bois. Et l’auteur de L’étoile du Hautacam (P.O.L) d’arracher son parent à l’anonymat de la rubrique des chiens écrasés de la feuille de chou locale. Pierric Bailly rédige ici le contraire d’un "Tombeau". Dans ces pages sans pathos ni effets de manches, il restitue le destin d’un homme intègre, ouvrier engagé, écolo, qui "vouait un culte à Reiser" et avait traîné dans sa jeunesse avec une "clique de babas cool du Jura", manifesté aux côtés de sa femme éducatrice "contre la fabrication de la centrale nucléaire Superphénix". Le portrait sobre et tendre de toute une génération à l’exaltation militante sur fond de France rurale, souvent oubliée. S. J. R.

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