L’affaire DSK va susciter nombre de projets éditoriaux, du compte-rendu intégral des débats judiciaires, en passant par des livres contenant leur dose d’images prises au sein du prétoire. La diffusion des clichés, images filmées et autres enregistrements sonores des premières étapes procédurales, a déjà engendré une multitude de commentaires, plus moralistes que fondés en droit. En France, la règle reste la théorique publicité des débats — chacun peut assister à un procès — hormis certaines matières mettant par exemple en cause des mineurs ; en contrepartie de quoi, les caméras, appareils photos et magnétophones sont interdits, mis à part de rares exceptions décidées au cas par cas (procès historiques, etc.). La peine encourue est de 4 500 euros d’amende assortie d’une confiscation du matériel. À l’heure où le greffe n’assure plus la sténotypie des dépositions et plaidoiries, cela coûte cher de se faire coincer avec un enregistreur en mains, quitte à vouloir expliquer que l’on cherche à retranscrire intégralement l’audience… Aux États-Unis, le Premier amendement de la Constitution dispose que «  Le Congrès ne votera aucune loi (…) visant à restreindre la liberté de parole ou de la presse  ». Tandis que le sixième amendement garantit un procès équitable («  due process  »). Dans l’Affaire Estes c/ Texas (jugée en 1965), la confrontation de ces deux amendements a incité la Cour suprême à estimer que le droit du défendeur à un procès loyal avait été méconnu, du fait de la présence de la télévision à son procès et à plusieurs des auditions antérieures. En conséquence, les juges ont annulé certaines condamnations filmées. L’Affaire Chandler c/ Floride (1981) a permis à trente-trois Etats d’autoriser l’usage des caméras dans les salles d’audience (les modalités pratiques variant d’un Etat à un autre). La Cour Suprême a en effet changé d’avis ; un Etat peut, sans enfreindre la Constitution, autoriser «  la diffusion électronique  » des procès criminels et ce, en l’absence même du consentement de l’accusé. Après 45 années de position contraire, la puissante American Bar Asssociation a modifié son code de déontologie, le 11 août 1982, en vue de permettre la diffusion électronique des audiences «  dans les conditions prescrites par une Cour d’Appel ou toute autre instance appropriée  ». À la suite de ce revirement de jurisprudence, les parlements des différents Etats américains ont adopté des règles spécifiques concernant notamment la présence de la télévision. Toutefois, même lorsque le législateur l’a autorisée en général, le juge garde la possibilité de l’interdire dans certaines affaires. Aujourd’hui, la captation et la retransmission audiovisuelles restent possible dans tous les États à l’exception du District of Columbia. La réglementation n’est pas uniforme et varie considérablement d’un État à un autre. Certains États interdisent que les jurés soient filmés. Cinq autres exigent le consentement du prévenu ou de l’accusé. D’autres États demandent l’accord des témoins. Vingt-cinq États permettent une retransmission audiovisuelle sous appréciation du juge. D’autres États sont plus restrictifs et la retransmission n’est possible dans la majeure partie des procès qu’en appel (Alabama, Arkansas, Dakota du Sud, Indiana, Illinois, Louisiane et… New York). Après l’immense publicité dont a fait l’objet le procès pour meurtre impliquant le sportif O.J. Simpson, un certain nombre de juges ont décidé d’interdire la télévision dans leur tribunal. De même, les caméras ne sont jamais autorisées dans les tribunaux fédéraux et à la Cour Suprême. Précisons que la chaîne de télévision Court TV retransmet des procès depuis 1991 (et est reçue dans plus de 15 millions de foyers). Mais tous les débats sont diffusés en «  faux direct  » : dix secondes de décalage sont nécessaires à la régie pour brouiller le nom de la victime s’il vient d’être prononcé. Une étude scientifique de 1990 a révélé que la présence de caméras dans les salles d’audience n’empêchait pas les témoins de se rappeler avec exactitude les détails d’un crime et n’avait pas nui aux perceptions des jurés quant à la véracité des témoignages. Enfin, certains autres pays autorisent la présence des caméras (souvent sous conditions) : il s’agit aussi bien de l’Australie, d’Israël, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Nouvelle-Zélande, de la Norvège, de Singapour, de l’Espagne, ou encore de la Cour européenne des droits de l’Homme ; mais aussi de la Chine et de la Russie. Bref, le débat est plus subtil que l’apparente « médiatisation » américaine des procès. Les éditeurs familiers des docs les plus retentissants devront se pencher sur la question avant de se lancer dans la publication du verbatim et des images des tribulations judiciaires de DSK, Berlusconi ou même du singulier manuel de réflexologie plantaire de Georges Tron.
15.10 2013

Les dernières
actualités