La sarkonnerie du week-end est venue d’un orfèvre en la matière, Frédéric Lefebvre, présentement sous-ministre (comme on dit au Canard ) du commerce, de l’Artisanat, etc. L’inénarrable Lefebvre, que des conseillers avisés avaient réduit ces derniers temps au silence, n’a quand même pas pu s’empêcher d’alimenter son bêtisier, pourtant déjà fort conséquent. Et donc, lors d’une rencontre-signature-dédicace de son ouvrage, Le Mieux est l’ami du bien , paru au Cherche Midi (si, si, il a apposé son nom sur une couverture de livre, en réalité une compile de copier-collés — voir, à ce sujet le site de Slate.fr ), à la question « Quel est l’ouvrage qui vous a le plus marqué ? », il a répondu, après une seconde et demi de réflexion (la vidéo sur Rue 89 en fait foi) : « Z adig et Voltaire. C’est une leçon de vie, je m’y replonge d’ailleurs assez souvent ». Précisons, pour ceux qui seraient indifférents à la mode et aux chiffons, que Zadig et Voltaire est une marque de prêt-à-porter. Sa bourde a bien sûr fait le bonheur des internautes, et surtout des tweeters, qui ont aussitôt créé un hashtag bibliolefebvre pour lui donner d’autres idées : « 1664 de George Orwell », « Dix petits nègres , par PPDA », « Les frères Bogdanov , de Dostoïevski », etc… ou, pour rester dans le prêt-à-porter, ces deux que j’aime beaucoup : « American Kenzo , de Bret Weston Ellis » et « Hugo Bosse ». Cette histoire me rappelle l’excellent Antigone de la nouille, et autres perles de librairie , du non moins excellent Jean-Loup Chiflet (chez Mots & Cie, en 2002), où l’on trouvait abondance de perles authentiques et de la plus belle facture : « Vous avez L’Insoutenable légèreté de l’être de Touré Kunda ? », « Sodome et Comores », « Cinzano de Bergerac », « Les oiseaux se crashent pour mourir » et autre « Boule de snif ». Cette histoire me rappelle enfin la petite sotie que m’avait adressée, il y a déjà plus de deux ans, Véronique Gauthier-Léglise, libraire à la librairie Dialogue, à Brest, quand nous cherchions des idées pour égayer le numéro des 30 ans de Livres Hebdo . Son petit texte (inspiré, évidemment, d’une histoire vraie), n’avait pas pu paraître à l’époque. L’occasion est parfaite pour vous le livrer aujourd’hui. Merci, Frédéric Lefebvre ! Restons polie Pièce en un acte, deux scènes, et quatre personnages : une libraire, une cliente, une autre cliente, un ami persifleur. Scène I — La cliente (enthousiaste :) Bonjour ! — La libraire (polie :) Bonjour Madame. — Je voudrais un roman qui s'appelle J'aime le boeuf bourguignon . — ???... Oui,..., je ne vois pas ... si vous voulez nous allons chercher ensemble ? — La cliente (un peu agressive :) Mais si, forcément vous connaissez, on en a parlé à la télé. — Excusez-moi, je regarde très peu la télévision. — La cliente (carrément énervée :) Mais si, voyons ! Mais si, vous savez, enfin mais si ... ça parle de l'Afrique ! — Un « roman »... l'Afrique ... tout le monde connaît ... euh ... (prudente) Ce ne serait pas Je suis noir et je n'aime pas le manioc ? — La cliente (triomphante :) Eh bien, vous voyez ! Scène II La deuxième cliente : — Où pourrais-je trouver Le Père Giono ? Commentaire discret d'un ami qui passe par là : — Sans doute près de Balzac sur le toit ! RIDEAU