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Besançon : L’Intranquille aux portes du paradis

Cinq niveaux distribués autour d’un escalier central, sous le dôme de l’ancienne église des Dames-de-Battant. - Photo M. Mechiet/Librairie L’Intranquille

Besançon : L’Intranquille aux portes du paradis

Après de nombreux déboires, Michel Mechiet ouvre une librairie de 1 200 m2 qu’il veut une "marmite d’échanges et d’idées", dans une ancienne église de Besançon, pour pallier la fermeture de l’historique Camponovo.

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Par Cécile Charonnat
Créé le 06.11.2015 à 01h03 ,
Mis à jour le 06.11.2015 à 10h58

Elle s’appelle L’Intranquille, mais elle aurait pu tout aussi bien être baptisée L’Arlésienne. Attendue initialement pour l’été 2014, puis la fin de 2014, puis juin 2015, la grande librairie généraliste de Besançon (Doubs) doit finalement accueillir ses premiers clients d’ici à quelques jours rue des Granges, après dix-huit mois de travaux et de déboires de toutes sortes. Un retard dû essentiellement au lieu qui abrite le magasin : une ancienne église inscrite au titre des monuments historiques, en déshérence depuis douze ans, un temps occupée par un cinéma, et que Michel Mechiet, porteur du projet, avait repérée de longue date.

Michel Mechiet se venge avec le sourire : après qu’il a installé à grands frais un système de lances à incendie pour se conformer aux règles de sécurité, un membre du corps des pompiers lui a confié que ceux-ci ne se servaient pas d’un tel matériel.- Photo LIBRAIRIE L’INTRANQUILLE

Après dix années passées dans la cité voisine de Pontarlier, où il a créé en 2003 la première Intranquille, le libraire souhaitait revenir à Besançon, sa ville de cœur qu’il découvre en 2000 lorsqu’il prend la direction de Camponovo, alors la librairie majeure du lieu. Il voit d’ailleurs dans les difficultés que celle-ci rencontre en 2013, et qui conduiront à sa fermeture, une occasion d’opérer son retour.

Mais sa tentative de reprise avorte. "Dès que j’ai su que le rachat de Camponovo ne serait pas possible, j’ai immédiatement contacté la mairie à propos de cette ancienne église. Manque de chance, ils venaient juste de la vendre à un bailleur immobilier", raconte celui qui reconnaît "s’ennuyer vite" et qui, à 56 ans, a eu "envie, avant de quitter le métier, de revivre une aventure singulière et de bâtir une belle libraire dans un lieu étonnant."

 

Déconvenues et catastrophes

Déterminé, motivé par le défi et le mouvement, Michel Mechiet traite alors avec le bailleur, mais des difficultés techniques le conduisent, au premier trimestre 2014, à l’achat de l’ensemble du bâtiment. Un imprévu qui l’oblige à se défaire de L’Intranquille à Pontarlier afin de réinvestir la totalité du produit de la vente à Besançon. "A partir de ce moment, les déconvenues et les catastrophes se sont enchaînées", se souvient l’entrepreneur.

Ainsi, pour porter l’imposante structure de 25 tonnes qui s’encastre dans l’église, il a fallu couler dans le sous-sol une soixantaine de micropieux, une opération d’envergure qui s’est étirée jusqu’au printemps 2015. Dans le même temps, Michel Mechiet rencontre des difficultés avec le cabinet chargé de la maîtrise d’œuvre, A. J. développement. Résultat : un budget qui dérape pour avoisiner les 3,7 millions d’euros, et la nécessité de négocier un refinancement auprès de l’Adelc et du CNL, présents dès le départ à ses côtés, et de ses partenaires bancaires. "Pour payer tous les dépassements, j’ai dû puiser dans les réserves initialement prévues pour assurer une première année d’exploitation sans trop de risque. Du coup, la librairie devra parvenir de suite à l’équilibre, même si le refinancement m’assure une certaine souplesse", explique le libraire.

Le démarrage sera donc crucial pour L’Intranquille, qui devrait toutefois atteindre son premier objectif, fixé à 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit un tiers environ des derniers CA réalisés par Camponovo. Très attendue par les Bisontins, la librairie bénéficie d’une équipe de libraires expérimentés, dont quatre sont issus de Camponovo, et d’un écrin qui ne manque pas de cachet. Les voûtes et les pilastres en pierre se marient aux murs blancs et au mobilier de bois clair, construit sur mesure, pour apporter charme et élégance aux cinq niveaux distribués tout en rondeur autour d’un escalier central que vient éclairer la coupole, entièrement restaurée.

Dans les étages, la surface est découpée en niches et en alcôves, qui rappellent la configuration de Camponovo. Dès l’entrée, le client trouve la littérature et la vie pratique. S’il veut flâner parmi la papeterie et le matériel de beaux-arts, il se rend au sous-sol, alors que, pour la jeunesse (270 m2) et la BD, il gagne le premier étage. Suivent, au deuxième, les livres universitaires, les sciences humaines et le développement personnel, et au troisième les beaux livres, les ouvrages sur l’art et un café.

Plus qu’un espace de vente de livres, Michel Mechiet veut en effet faire de L’Intranquille "un lieu de diffusion de la culture, une marmite d’échanges et d’idées, un endroit où les gens ont aussi envie de venir pour autre chose que le livre. Il existe dans chaque ville une place pour un tel acteur, la librairie du futur doit donc tendre vers cela autant que possible". Cette aspiration se traduira notamment par un programme d’animations fourni, en interne comme hors les murs, et par des parrainages ou des partenariats avec les institutions culturelles locales.

A la limite

Séduisant, le nouvel établissement soulève toutefois quelques interrogations. Par sa taille d’abord. Les 1 200 m2 de L’Intranquille paraissent économiquement ambitieux. "Je suis à la limite de ce qui est viable", reconnaît Michel Mechiet. L’impact sur la concurrence questionne également. Même si, comme l’affirme Manuel Daull, cofondateur du café-librairie Le Marulaz, qui fait la part belle à la poésie, "la place existe pour une grande librairie à Besançon, où le vide laissé par Camponovo n’a pas été comblé", l’ouverture de L’Intranquille va contraindre les autres acteurs, notamment Les Sandales d’Empédocle, à se repositionner. Quelle stratégie adoptera cette librairie de 300 m2 dirigée depuis trois ans par Romain Mechiet, fils de Michel, qui a diversifié son offre pour capter une partie de la clientèle issue de Camponovo et a ainsi gagné 500 000 euros de CA ? D’autant que, si Michel Mechiet a choisi de revenir à Besançon, c’est aussi avec l’objectif, d’ici à cinq ou six ans, de transmettre son paquebot. Qui d’autre sera alors mieux placé que son fils ?

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