Bernard-Jacques Fontaine : "Le secteur n'est pas unifié"

Bernard-Jacques Fontaine : "Le secteur n'est pas unifié"

Le libraire du rayon ésotérisme de la Fnac des Halles, à Paris, le plus important en France, constate une augmentation de la demande sous l'influence d'Internet.

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Par Anne Ducrocq
avec Créé le 15.04.2015 à 20h04 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Photo OLIVIER DION

Ses chiffres sont réputés "confidentiel défense", mais le rayon ésotérisme de la Fnac des Halles, à Paris (1er arrondissement), est probablement le plus important en France. Tenu avec fougue et compétence depuis 2005 par Bernard-Jacques Fontaine, il bénéficie de l'important travail de communication du magasin concernant les rencontres et les dédicaces d'auteurs, comme cette année les conférences avec le médium Henry Vignaud, avec le prolifique Alejandro Jodorowsky, ou encore, prochainement, des tirages de tarot dans le rayon lui-même.

Quel regard portez-vous sur le marché du livre d'ésotérisme ?

Il est appelé à se développer, car il y a de plus en plus de demandes, principalement sous l'influence d'Internet. Le problème est que le secteur n'existe pas en tant que tel : il couvre des niches éparses, la clientèle n'est pas unifiée. De la magie à la franc-maçonnerie, du channeling aux ovnis, vous avez déjà quatre profils de clients très différents. Les francs-maçons eux-mêmes ont encore des profils très variés selon les obédiences ou les grades. Si l'on examine, par exemple, l'intérêt très grand que suscite le mystère de Rennes-le-Château, où trois librairies, dont les librairies Empreinte, se disputent les 120 000 curieux annuels, et à propos duquel trois biographies de Pierre Plantard sont annoncées, on constate qu'il touche aussi bien les amateurs d'occultisme ou de discours néognostique que les passionnés d'énigmes historiques, les lecteurs qui partent à la chasse au trésor et même les adeptes de channeling ! Aussi, commercialement, il est impossible de donner une ligne directrice au secteur. Il y aurait d'ailleurs matière à faire une collection, entre "Aventure secrète" chez J'ai lu et "Que sais-je ?", qui présenterait et éclairerait ses différents domaines.

Quel impact les nouveautés ont-elles sur le rayon ?

En période de crise, le fonds marche mieux que les nouveautés ou les gadgets. Les lecteurs attendent davantage des livres considérés comme sérieux. La Fnac des Halles a une clientèle qui vient chercher ce qu'elle ne trouve pas ailleurs, comme La prophétie des ombres de John A. Keel (Presses du Châtelet), de l'ufologie solide et documentée. J'ai ainsi recommandé de nombreux livres de fond, comme Les familles d'âmes de Marie-Lise Labonté (Le Dauphin blanc), Fragments d'un enseignement inconnu d'Ouspensky (Stock), ou encore Développez vos facultés psychiques et spirituelles de Serge Boutboul, qui est en pile toute l'année à côté de Comment percevoir et agir sur les mondes subtils qui nous entourent paru cette année (tous les deux chez Exergue). J'ai aussi une étagère complète sur Guénon, son oeuvre et les études qui lui sont consacrées. Gurdjieff et Guénon ne se vendent pas bien : ils se vendent très bien. Mais il faut avouer que les nouveautés attirent dans nos rayons une clientèle nouvelle, comme le public de la série Mentalist, qui frôle, sur TF1, les 10 millions de téléspectateurs.

Qu'attendez-vous des éditeurs en 2012 ?

Qu'ils cessent de choisir entre les livres sérieux et grand public : il faut apprendre à faire les deux ! Par ailleurs, il manque des livres de synthèse sur la franc-maçonnerie, les sociétés secrètes, et plus largement sur le grand thème de la conspiration. A noter d'ailleurs, de Didier Bonvin, Les théories du complot envahissent le Web (Favre). Des livres me sont régulièrement demandés sur les Illuminati, une société secrète allemande du XVIIIe siècle. De nombreuses thèses véhiculées sur Internet avancent que l'ordre est toujours actif. On peut publier des choses très sérieuses sur la conspiration, il y a une vraie demande. Enfin, j'aimerais leur faire passer un message : d'une part, arrêter de sauter tous sur les mêmes sujets et, d'autre part, juguler la surproduction de coffrets, qui correspondent à une clientèle anglo-saxonne. La clientèle française est beaucoup plus exigeante. Pour preuve, pendant les fêtes, je ressors des titres d'Archè Milano, un éditeur de fond incontournable en ésotérisme.

15.04 2015

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