Les vingt-sept pays membres de l’Union européenne ont définitivement approuvé, mardi 21 mai, l'AI Act, un texte visant à réguler les systèmes d’intelligence artificielle. Une législation « sans précédent à l'échelle mondiale », a salué dans un communiqué Mathieu Michel, secrétaire d’État au numérique belge, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE jusqu’à la fin du mois de juin.
Ce vote intervient deux mois après que les députés européens ont approuvé le règlement sur l'intelligence artificielle (IA). Présenté par la Commission européenne en avril 2021, celui-ci a pris une nouvelle dimension avec l'apparition fin 2022 de ChatGPT, de la start-up américaine OpenAI, puis du chatbot Gemini de Google en mars 2023, qui ont révélé le potentiel de l’IA mais aussi les risques induits en matière de désinformation ou encore de protection des contenus soumis à droits d'auteur. Au terme de longues négociations, un accord politique avait été trouvé par les législateurs de l'UE en décembre 2023.
Une rémunération à définir
« La SGDL s'était mobilisée avec d'autres organisations, dont la SACD et la Sacem, pour que figure ce qui a été introduit dans le règlement au dernier moment, quelques jours avant le vote de décembre, à savoir le respect de l'ensemble des principes du droit d'auteur, le principe de transparence sur les données utilisées pour l'entraînement des modèles d'IA, le principe de l'"opt out", et, lorsqu'il y a utilisation avec autorisation de l'auteur, le principe d'une rémunération à définir », a réagi Patrice Locmant, directeur général de la Société des gens de lettres, qui défend les intérêts des auteurs.
Attentive à « trouver le modèle économique le plus simple » pour les auteurs, la SGDL se préoccupe aussi de l'exclusion des obligations prévues par le règlement « des prototypes et modèles qui ne seraient pas mis sur le marché ». « Or on sait que de grandes entreprises comme Disney ou Netflix vont développer leurs propres outils et seraient donc exonérées de ces obligations de transparence permettant aux auteurs de savoir si leurs œuvres ont ou non été utilisées », souligne Patrice Locmant.
La mise en œuvre scrutée de près
De son côté, le Syndicat national de l'édition se dit « satisfait » de cette adoption formelle. « L’Europe est ici pionnière sur la réglementation des big techs », affirme le SNE. « Le règlement rappelle que les entreprises d’IA doivent respecter le droit d’auteur, même lorsque l'entraînement a lieu hors d’Europe », souligne-t-il. « Au niveau européen, il est maintenant important que les ayants droit soient à la table des négociations pour la mise en œuvre de ce texte. Et au niveau français, le SNE participe activement aux deux missions en cours du CSPLA », conclut le syndicat.
Mi-avril, la ministre de la Culture Rachida Dati a mandaté le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) afin qu’il mette en place deux missions. L'une est chargée d'établir « la liste des informations qui devraient nécessairement être rendues publiques par les fournisseurs d’IA », quand l'autre doit « faire le point sur les mécanismes envisageables pour que dans chaque secteur les ayants droit aient la garantie de l’effectivité de leurs droits lors de l’utilisation de leurs œuvres par les fournisseurs d’IA ». Leurs conclusions sont respectivement attendues pour fin 2024 et 2025. La nouvelle législation européenne s'appliquera, elle, pour l'essentiel à partir de 2026.