Langue française

Auteure ou autrice: l'Académie française ne tranche pas

Olivier Dion

Auteure ou autrice: l'Académie française ne tranche pas

L'Académie française a adopté le rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions, acceptant ainsi les évolutions des usages, sans forcément arbitrer ou décider sur les noms à employer.

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Par Vincy Thomas,
Créé le 28.02.2019 à 20h39

L'Académie française, lors de sa séance du jeudi 28 février, a adopté à une large majorité le rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Ce rapport était présenté par une commission d'étude comptant quatre académiciens. Le vote acte le principe de la féminisation des noms de métiers et des fonctions.

Malgré l'absence de "relevé probant des usages" et "l'étroitesse du corpus disponible", l'Académie voulait ainsi répondre au "décalage que l’on observe entre les réalités sociales et leur traduction dans le langage, et les tentatives visant à la réduction de cet écart." Soulignant qu'il n'est "pas question de modifier d'une quelconque manière les usages existants, dont certains ont tendance à tomber en désuétude, mais de déterminer de quelle manière et dans quelles conditions il est possible d’en créer de nouveaux", l'institution répertorie les différentes terminations déjà féminisées.

Exemple: "La forme la plus courante, et non la moins difficile à féminiser est celle des noms de métiers, très nombreux, se terminant par «-eur», qui peuvent ou ont pu se féminiser en «-euse», «-esse»ou «-eresse», «-eure», ou encore par le recours à la forme masculine accompagnée par l’article, l’adjectif, le pronom ou le verbe au féminin."

L'Académie française détaille même le problème rencontré par "auteur" et revient sur "écrivain".

Mutations

"Un cas épineux est celui de la forme féminine du substantif «auteur». Il existe ou il a existé des formes concurrentes, telles que «authoresse» ou «autoresse», «autrice» (assez faiblement usité) et plus souvent aujourd’hui «auteure». On observera que l’on parle couramment de «créatrice» et de «réalisatrice»: or la notion d’«auteur» n’est pas moins abstraite que celle de «créateur» ou de «réalisateur».

«Autrice», dont la formation est plus satisfaisante,n’est pas complètement sortide l’usage, et semble même connaître une certaine faveur, notamment dans le monde universitaire, assez rétif à adopter la forme «auteure». Mais dans ce cas, le caractère tout à fait spécifique de la notion, qui enveloppe une grande part d’abstraction, peut justifier le maintien de la forme masculine, comme c’est le cas pour «poète» voire pour «médecin». L’étude de ce cas illustre l’ancrage dans la langue des formes anciennes en «-trice», ce mode de féminisationayant toujours la faveur de l’usage.

Par ailleurs, s’agissant du féminin du substantif «écrivain», on constate que la forme «écrivaine» se répand dans l’usage sans pour autant s’imposer.
"

« Greffier de l’usage »

En conclusion, "face à de telles mutations", l’Académie française "doit tenir compte des modifications et des innovations qu’elle constate, en soulignant que, dans bon nombre de cas, l’usage est encore loin d’être fixé et qu’il continuera d’évoluer. «Greffier de l’usage», mais aussi «gardienne du bon usage de la langue», il lui revient, dans une période marquée par l’instabilité linguistique que déplorent bon nombre de nos concitoyens – certains souhaitent accélérer ces évolutions, d’autres les freiner ou en limiter la portée –, de rappeler qu’elles ne peuvent être envisagées que dans le respect des règles fondamentales de la langue et selon l’esprit du droit français."

L'institution précise également que le Dictionnaire de l’Académie française "n’a pas pour vocation de recenser la pluralité des usages en train de naître ou de se former, mais de dire le «bon usage» dès lors qu’il est établi et consacré. Il est toutefois possible que, lorsque la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie sera achevée et entièrement mise en ligne, des révisions puissent être apportées pour intégrer des évolutions confirmées."

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