Édito par Fabrice Piault, rédacteur en chef

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En choisissant pour son 63e congrès, la semaine prochaine à Paris, le thème très politique des inégalités territoriales et de l’égalité des chances, l’Association des bibliothécaires de France entendait s’appuyer sur le contexte des élections présidentielle et législatives pour interpeller les candidats et les élus, et plus largement la société sur les enjeux de la lecture publique. Elle n’imaginait pourtant pas qu’il interviendrait après la nomination du Premier ministre le plus engagé dans la réflexion stratégique et les expériences pour le développement de la lecture et des bibliothèques que la France ait connu. Ni que sa ministre de la Culture serait une éditrice, suffisamment préoccupée par cette question pour avoir participé, en 2011, au jury de notre grand prix Livres Hebdo des Bibliothèques.

Edouard Philippe et Françoise Nyssen saisiront-ils l’occasion du congrès de l’ABF pour esquisser une politique ambitieuse en faveur de la lecture ? On peut le souhaiter. Pendant trois décennies, jusqu’au début des années 2010, la création, l’agrandissement et la rénovation des bibliothèques publiques, redéfinies comme médiathèques, se sont imposés comme l’alpha et l’omega de toute stratégie municipale, inspirant même en 1993 à Eric Rohmer sa comédie L’arbre, le maire et la médiathèque. Cet engouement a aussi eu ses dérives, telle la concentration des investissements sur les infrastructures, souvent spectaculaires, au détriment de leurs moyens de fonctionnement, avec pour corollaire des horaires d’ouverture réduits. Ce point faible des bibliothèques françaises a été identifié par les ministres de la Culture de François Hollande, avant qu’Emmanuel Macron ne fasse de leur extension le soir et le week-end un de ses objectifs.

Mais depuis quelques années, par un renversement de perspective, les moyens de la lecture publique sont devenus les variables d’ajustement des budgets en chute libre des collectivités locales. Les sommes dévolues aux acquisitions connaissent des coupes pouvant aller jusqu’à 25 ou 30 %, accentuant les inégalités territoriales pointées par l’ABF. Il est temps que, par la loi s’il le faut, la lecture publique et les établissements qui concourent à sa diffusion, en faisant un vecteur privilégié du lien social, soient reconnus et développés comme les moteurs essentiels de l’essor économique, culturel et démocratique de notre pays.

09.06 2017

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