« Nous récusons avec force l’opposition entre culture et innovation technologique ». C’est sur ce message de Renaud Lefebvre, directeur général du Syndicat national de l’édition (SNE), que se sont ouvertes les Assises du numérique 2024. Si les inquiétudes suscitées par l’accélération de l’IA sont réelles, les professionnels du livre peuvent trouver de nouvelles opportunités dans ces technologies. Face à cette révolution en marche, Virginie Clayssen, présidente de la commission numérique du SNE, prône la curiosité – un défaut a priori partagé par tous les éditeurs – alors que « la crainte est la pire des positions lorsqu’il s’agit de technologie ».
De nombreux intervenants ont fait part de leur expertise tout au long de la journée. Marion Carré, cofondatrice d’Ask Mona, entreprise qui mobilise l’IA pour améliorer l’accès à la culture, a milité pour une technologie « au service du partage des connaissances et non de l’appauvrissement de la culture ». Thomas Cox, cofondateur de Veristage, a présenté Insight comme une plateforme capable d’assister les éditeurs dans la publication et la commercialisation de leurs livres, en garantissant la sécurisation des données.
Imaginaires postapocalyptiques
L’IA pourrait même révolutionner la prescription littéraire, selon Christian Roy qui a expliqué, depuis le Canada et par le biais de la technologie, comment le réseau de spécialistes du numérique A10s accompagne des organisations dans leur utilisation du numérique pour favoriser la découvrabilité et la commercialisation de leurs offres.
Nourris d’imaginaires postapocalyptiques, les photographes Yves Marchand et Romain Meffre, spécialistes de l’urbex, ont même collaboré avec l’IA pour fantasmer un Paris abandonné dans Les Ruines de Paris, paru récemment chez Albin Michel. Le texte y est signé par l’écrivain Nathan Devers qui a rappelé à un auditorium plein à craquer que, lorsque la photographie s’est substituée à la peinture réaliste à la fin du XIXe siècle, les peintres avaient déjà dû réinventer leurs pratiques artistiques.
Le défi de l'éducation au numérique
Enfin, alors que les jeunes sont saturés de contenus générés par l’IA, l’école est aujourd’hui mise au défi d’éduquer au numérique comme d’éduquer par le numérique, l’IA pouvant agir comme un accélérateur pédagogique au service de l’enseignant pour développer l’esprit critique des élèves.
L’IA peut aussi être éthique si elle se déploie dans le respect des droits fondamentaux pour la chaîne du livre. L’Union européenne a fourni un premier cadre réglementaire avec l’AI Act, entré en vigueur en août 2024, et la France a mandaté le CSPLA pour des missions relatives au respect du droit d’auteur à l’ère de l’IA, alors que les sujets de préoccupation sont les utilisations des œuvres sans consentement et l’émergence de plateformes de livres autoédités dont on soupçonne qu’ils sont générés par l’IA.
Arnaud Robert, président de la commission juridique du SNE, a insisté sur l’importance pour les professionnels de l’opt out, qui permet de s’opposer par principe à l’aspiration de leurs contenus par l’IA, que leur intention soit ensuite d’interdire ou de monnayer leur utilisation.
Manière de rappeler que ce sont les usages qui ont toujours inventé l’avenir des technologies. Avec la vigilance des autorités et de l’interprofession, les usagers doivent pouvoir bénéficier d’une IA vertueuse et transparente. Pour qu’il soit inutile de préciser ici que cet article n’a pas été écrit par une intelligence artificielle.
L’enjeu de l’accessibilité