Loup y es-tu ? On ne peut pas dire que le réchauffement climatique soit le sujet de prédilection d'Andrée A. Michaud. On grelotte sur ses terres québécoises. On y grelotte même l'été, d'effroi plus que de froid. Après Bondrée et Tempêtes, autres titres courts et rudes, Proies renvoient ses trois jeunes protagonistes au cœur de forêts fraiches et étouffantes. « Vous fabulez, les filles, on n'est pas dans Deliverance » fanfaronne Alex, en bravant les futaies. Le film de John Boorman, voire cet autre terrifiant Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez, rode pourtant aux alentours du campement des ados. Alors l'hypothèse d'une centième histoire réchauffée de petits poucets sylvestres nous effleure.

Mais c'est méconnaître les ressources d'une grande instigatrice d'hydres cauchemardesques ou de peurs séculaires et enracinées. L'affaire sortira du bois pour se régler sur le ring des vies étriquées. Des souris et des hommes s'y croisent pour le pire et pour les hideurs, sous les troncs d'une écriture aussi flamboyante qu'une forêt d'érables à l'automne, là où la nature et les gens s'entremêlent pour n'être plus que la nature des gens. C'est angoissant et maîtrisé à la fois, charpenté de colères noires et de spectres blancs.

Lues d'ici, les expressions du joual fleuri d'Andrée A. Michaud ont le goût d'épices. Ses mots dessinent des reptations aussi belles que sournoises et ses dialogues se fondent comme des lichens sur les branches noueuses d'un texte puissant.