"Brexit means Brexit", assénait Teresa May sans craindre la tautologie. Il reste que les jeunes Britanniques de ce roman sont prêts à tout pour garder un passeport européen. Même à sceller des mariages blancs avec les heureux possesseurs du précieux document.
Un filon dans lequel s’engouffre la start-up secrète Brexit Romance, dont le nom officiel est un tantinet plus réaliste et british: Mariages pluvieux. Sa directrice, la tonique Justine Dodgson, ne tarde pas à rencontrer l’héroïne du roman, la jeune et rêveuse chanteuse soprano Marguerite Fiorel, dix-sept printemps et autant de grammes d’or dans la voix. Arrivée à Londres pour y chanter Les noces de Figaro, flanquée de son fidèle et misanthrope professeur Pierre Kamenev, elle tombe fissa amoureuse d’un jeune lord flamboyant, Cosmo Carraway, lui aussi à l’affût d’un passeport européen. "Love at first sight", diraient nos voisins lâcheurs. La start-up n’en demandait pas tant. Nul besoin en effet d’être in love pour concocter une alliance sur mesure. L’amour peut s’avérer contre-productif dans le business plan. C’est sur cette intrigue de comédie romantique à l’anglaise que le roman tisse sa toile joyeuse, nouant et dénouant de savoureux quiproquos autour de ses personnages attachants, tel ce Pierre Kamenev, professeur marxiste qui vomit le libéralisme à l’anglaise, jusqu’aux prépositions up et down qui, selon lui, "symbolisent l’obsession de la verticalité" des Anglais pris en otage dans l’idéologie néolibérale. Le texte est, d’un bout à l’autre, truffé d’humour et d’ironie. La jeune Clémentine Beauvais, déjà lauréate de nombreux prix littéraires, semble connaître et apprécier Jane Austen. Encore une bonne raison de la lire. Fabienne Jacob