Entretien

Alan Pauls : «J’écris toujours dans un état de perplexité»

Alan Pauls, chez son éditeur Christian Bourgois. «Je me revendique surtout d’une certaine tradition littéraire de Buenos Aires ou plus largement du Rio de la Plata.» - Photo Olivier dion

Alan Pauls : «J’écris toujours dans un état de perplexité»

Avec Histoire de l’argent, le Porteño Alan Pauls achève son archéologie intime des années 1970 en Argentine.

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Par Véronique Rossignol
avec Créé le 28.10.2013 à 11h44 ,
Mis à jour le 28.10.2013 à 21h42

Que les titres de ses romans n’induisent pas en erreur le lecteur encore innocent : Alan Pauls n’est pas un écrivain romantique. Il déteste la nostalgie (il préfère l’anachronisme), n’idolâtre pas la mémoire, a la phobie du témoignage dont il méprise le chantage à la légitimité. Il a foi au contraire dans le faux, l’indirect, l’oblique qu’introduit la littérature. Les livres de l’écrivain argentin - dont le dernier, Histoire de l’argent, est le septième traduit en français chez Bourgois - tiennent ainsi sujet, personnages, épanchements sentimentaux à distance pour camper sur les bords, dans les entre-deux. Explorant les sous-couches et les replis du temps entre fiction et essai, à teneur autobiographique variable et diluée. A 54 ans, adoubé par les plus vénérés de ses pairs, Roberto Bolaño en tête, qui lui avait décerné il y a dix ans déjà le titre d’« un des meilleurs écrivains latino-américains vivants », l’homme du Rio de la Plata se voue avec une constance ferme et têtue, en bon prof de théorie littéraire qu’il fut, amateur des classiques européens du XIXe et du XXe siècle et lecteur de Barthes, à élaboration d’une œuvre où les contraintes libèrent, où des phrases allongées d’incises et amplifiées de parenthèses imposent moins des images qu’une musique. Citons son énorme roman Le passé, prix Herralde 2003, pleine et tragique chronique d’un amour, des essais qui enfilent leurs maillots de bain pour théoriser sur la plage (La vie pieds nus, 2007) ou qui transforment l’exercice d’admiration en itinéraire de découverte (Le facteur Borges, 2006, prix Roger-Caillois 2007)…

Alors qu’après Histoire des larmes (2009) et Histoire des cheveux (2011) paraît le troisième et dernier volet de sa trilogie romanesque consacrée aux années 1970 en Argentine - temps et lieu secoués de sa jeunesse -, Alan Pauls revient dans un français d’une fluidité épatante sur ce projet cadré à l’intérieur duquel s’associent pourtant sans entrave résonances et digressions. Il évoque ses filiations littéraires, sa vieille liaison avec le cinéma, sa fidélité à une certaine idée de la littérature qui questionne sa forme et ses moyens. Propos d’un écrivain toujours en train de se demander ce qu’il raconte.

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