Justice

Agnès Naudin, auteure et policière dans le box des accusés

Agnès Naudin en a-t-elle trop dit dans son livre ? - Photo DR

Agnès Naudin, auteure et policière dans le box des accusés

L'auteure de "Affaires de famille" (Cherche Midi) est accusée d'avoir violé le secret professionnel en évoquant des enquêtes en cours dans son livre-document.

Par Stanislas de Haldat ,
avec AFP Créé le 15.03.2023 à 16h00

Lundi dernier, le 13 mars, au tribunal correctionnel de Nanterre, le parquet a requis l'interdiction définitive d'exercer, 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 € d'amende (dont 5000 avec sursis) contre Agnès Naudin, estimant qu'elle a violé le secret professionnel en publiant, en 2018, un livre évoquant des enquêtes en cours.

Dans Affaires de famille - Immersion au sein d'une brigade spéciale (Cherche Midi, 2018), l'auteure, capitaine de police à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine, relate trois enquêtes, dont celle sur un viol incestueux qui -hasard du calendrier- doit être jugé vendredi prochain à Nanterre.

Son livre évoque aussi l'affaire d'un bébé secoué. "Vous donnez des éléments d'identité du père, l'âge de la nourrice, son statut marital... Vous reprenez à la virgule près des déclarations d'une audition", a noté la présidente du tribunal. "Pourquoi autant de détails ?", lui a-t-elle demandé, estimant que la policière aurait pu livrer son témoignage de "manière plus générale".

"J'ai voulu être au plus proche de la réalité"

"J'avais une grande peur de trahir la réalité, de mal interpréter, j'ai voulu être au plus proche", s'est justifiée Agnès Naudin. "Quand j'écris, j'ai l'impression de faire quelque chose d'utile, qui servira aux autres. Je ne voyais pas d'éléments, dans ces détails, qui pourraient porter préjudice à l'enquête."

Le parquet lui a alors rétorqué que la violation du secret professionnel ne dépend pas de "la nature de l'information" révélée, mais de "la fonction exercée par la personne qui [ la ] reçoit". Autrement dit tout élément confié à un policier est soumis au secret. "Être policier, c'est au-delà du métier, c'est un état", a renchérit la présidente. "A moins d'avoir été lobotomisée, comment avez-vous pu oublier votre qualité quand votre livre a été édité et est paru ?"

Quel consentement des personnes impliquées ?

Agnès Naudin, qui a publié d'autres livres documents - Enfance en danger (Robert Laffont), Affaires d'ados (Cherche Midi) et en décembre dernier Police : la loi de l'omerta (Cherche Midi) -, a assuré avoir demandé l'accord des personnes impliquées, changeant les noms et les lieux des faits. Sinon, dit-elle, "Je ne me serais jamais permis" de publier. Ce à quoi le procureur lui a répondu : "Pensez-vous vraiment qu'une personne suspectée dans une affaire criminelle, appelée par la capitaine chargée de son enquête encore en cours, peut donner un réel consentement ?"

L'auteure a en outre expliqué qu'elle avait, en janvier 2018, informé sa hiérarchie de la prochaine publication de son ouvrage, elle qu'elle n'avait alors reçu aucun commentaire, tout comme elle n'a pas été sanctionnée par l'administration après la sortie du livre. 

Le procureur a néanmoins estimé que "Mme Naudin ne semble pas avoir compris l'intérêt du secret professionnel" et que si elle est remise en service "elle peut encore écrire sur des affaires en cours".  Le jugement sera rendu le 15 mai.

 

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