Après Les maîtres de l'espionnage (Perrin, 2017), Rémi Kauffer s'intéresse aux maîtresses de l'ombre, femmes fatales ou demi-mondaines sous l'Ancien Régime jusqu'aux agentes très spéciales sur le terrain comme la première femme officier du Service Action Dominique Prieur qui a participé au sabotage du Rainbow Warrior en 1985. L'auteur de l'Histoire mondiale des services secrets de l'Antiquité à nos jours (Perrin, 2015, 14 000 exemplaires vendus) commence son enquête au XVII^e siècle par commodité documentaire. Il montre qu'à l'instar de la Milady de Winter créée par Dumas dans Les trois mousquetaires les agents royalistes étaient le plus souvent des agentes. Le cas le plus célèbre fut Louise de Keroual. Elle infiltra la cour de Charles II d'Angleterre pour le plus grand profit de Louis IV. Cromwell fut lui aussi grand utilisateur d'espionnes appelées female-intelligencers qui utilisaient le déguisement comme une arme.

Dans cette évocation, Rémi Kauffer revient sur quelques cas célèbres comme celui de Mata-Hari, la fameuse agente double H-21 durant la Première Guerre mondiale, pas si fameuse que ça selon lui. L'ancienne danseuse amatrice de luxe serait devenue malgré elle une victime expiatoire, exécutée par les Français pour espionnage. On apprend aussi que Marthe Richard qui obtiendra en 1946 la fermeture des maisons closes, use à la même époque de ses charmes comme sex-intelligencer pour ces mêmes services français.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la comédienne Marie Bell et la danseuse Joséphine Baker œuvrent pour les Alliés tout comme Marie-Madeleine Fourcade qui dirige un réseau dans la Résistance. En revanche, Coco Chanel qui, comme Arletty avait un amant allemand durant l'Occupation, travaille pour l'Abwehr, le service de renseignement nazi.

Impossible évidemment de citer toutes ces drôles de dames qui apparaissent parfois sur quelques pages dans ce massif documentaire qui se traverse avec un réel plaisir de lecture. Le récit s'internationalise à mesure que nous entrons dans les périodes contemporaines avec les agentes du KGB, de la Stasi, de Zhou Enlai, du Mossad en Israël ou les deux femmes au service de la Corée du Nord qui ont aspergé d'un produit neurotoxique le demi-frère du dictateur Kim Jong-un à l'aéroport de Kuala Lumpur en 2017. Le monde du renseignement n'est plus exclusivement masculin et Rémi Kauffer remet en lumière une histoire secrète qui s'écrit aussi au féminin.