À 11 ans, en vacances près de Moulins, Zoé se souvient des propos de son voisin Victor, un retraité qui les gardait, elle et ses petites sœurs, après l'école. Il avait des livres illustrés et parlait d'art à l'héroïne de La maison enchantée d'Agathe Sanjuan. Ayant appris que les parents de Zoé avaient prévu de louer l'été un gîte non loin de l'ancienne capitale du Bourbonnais, il leur avait recommandé d'aller voir la cathédrale et son Triptyque du maître de Moulins.

Un jour de marché en ville, Zoé s'échappe des courses familiales et pénètre dans la cathédrale. La Vierge à l'enfant Jésus, entourée d'anges, trône dans un cercle aux anneaux concentriques et irisés, ses pieds reposent sur un croissant de lune... Une vraie épiphanie : « L'image avait infusé, s'était introduite dans ses rêves, pour la première fois ; une sensation bienfaisante qu'elle rechercherait sans relâche. »

Zoé décidera d'étudier l'histoire de l'art. Mais cet enseignement s'avérera sec : on y décortique la matière jusqu'à l'os. Quant aux étudiants, certains ont troqué l'idéal du beau contre la carrière dans l'art contemporain, d'autres demeurés dans l'ancien et le public se retrouvent accaparés par la bureaucratie culturelle... Préférant garder intacte sa passion de l'art, Zoé opte pour la gestion, parce qu'il faut bien vivre. Jusqu'au jour où, par le biais de collectionneurs, l'estampe, cet univers fascinant d'images, s'ouvrira à elle et l'absorbe... littéralement. Agathe Sanjuan signe ici une belle réflexion sur le rapport entre l'art et la vie- comment, bien plus qu'une vision, le goût infléchit notre mode d'être.