Apparemment lassés d’entendre tout le monde se plaindre ou se moquer des insuffisances de leur système de protection (DRM) de livres numériques, les nouveaux responsables du développement d’Adobe Content Server (ACS) avaient décidé de montrer de quoi ils étaient capables. Fin janvier, ils annonçaient la mise en service de la version ACS 5 de ce système, et la fin de la maintenance de la précédente génération en juillet 2014. Toutes les liseuses et applications de lecture pour tablettes et smartphones qui n’auraient pas été mises à jour seraient devenues inutilisables pour lire les fichiers ePub ou PDF encryptés à l’aide d’ACS 5. Les anciens fichiers restaient lisibles, à condition de ne pas tenter de les retélécharger.
La méthode a soulevé un émoi certain chez les gestionnaires de plateformes ou libraires numériques spécialisés. Les opposants à l’utilisation des DRM se sont déchaînés, voyant là une preuve des menaces qu’Adobe fait peser sur l’économie du livre numérique. Ces protestations ont bien été entendues jusqu’à Bengalore en Inde, où Adobe a délocalisé tout ce département l’an dernier. "C’est aux éditeurs et à leurs distributeurs de décider du moment de la mise en service de la nouvelle DRM. Tant qu’ils ne l’activeront pas sur ACS 5, elle ne sera pas utilisée", insiste Shameer Ayyappan, chef de produit senior du département elearning et ebooks, contacté par mail. Une liberté de choix qui n’existait pas dans le programme de déploiement initial. Par ailleurs, Adobe s’engage à poursuivre la maintenance de l’ancienne DRM.
"Nous ferons des mises à jour progressives pour l’ensemble de notre parc de liseuses. Les serveurs détecteront quelle version est utilisée, et adresseront le fichier correspondant", explique Laurent Picard, directeur et cofondateur de Bookeen, concepteur des Cybook, soulagé par le retour à la raison d’Adobe. Un client d’ACS peut toutefois décider de n’utiliser que la dernière version de la DRM, ce qui renforcerait la sécurité des fichiers, mais restreindrait leur utilisation aux seuls appareils à jour. "Cette alerte montre qu’il est dangereux de dépendre d’un acteur industriel qui n’en fait qu’à sa tête", avertit Hadrien Gardeur, directeur général et cofondateur de la librairie numérique Feedbooks. Il est également chargé du développement d’une DRM non propriétaire pour le consortium Readium, qui réunit plusieurs acteurs du livre numérique. "Les spécifications sont finalisées, le développement des prototypes pourra commencer pour les serveurs", explique-t-il. Hervé Hugueny
