Bilan

2016 : le marché du livre en mode pause

Au Salon du livre jeunesse de Montreuil, en 2016. - Photo Olivier Dion

2016 : le marché du livre en mode pause

Après une embellie en 2015, les ventes de livres au détail sont restées stables l’an dernier. L’activité, essentiellement soutenue par le secteur jeunesse, et dans une moindre mesure par le poche et les essais, s’est surtout développée dans les grandes surfaces culturelles et le commerce en ligne, tandis que le livre fait un nouveau plongeon dans la grande distribution.

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Par Fabrice Piault,
Claude Combet,
Créé le 03.02.2017 à 00h33 ,
Mis à jour le 03.02.2017 à 08h07

Après l’embellie de 2015 (+ 1,8 %), qui avait succédé à cinq années de reflux de l’activité (1), 2016 restera pour le marché du livre comme une année en apesanteur. Dans un contexte d’incertitudes politiques, économiques et sécuritaires en France comme à l’international, les ventes de livres au détail parviennent tout juste à se stabiliser, à 0 % en valeur par rapport à l’année précédente, d’après nos données Livres Hebdo/I+C.

Pourtant, malgré un mauvais mois de janvier (- 3 % à un an d’intervalle), la croissance retrouvée en 2015 s’est poursuivie pendant plusieurs mois en 2016 : + 1 % en février, + 2 % en mars, et même + 4 % en avril. Mais, dès mai, le commerce du livre connaissait une rechute de - 5 %, inaugurant six mois consécutifs de baisse : - 0,5 % en juin, - 5 % en juillet, - 0,5 % en août, en septembre et en octobre. Il aura fallu attendre la fin de l’année pour voir le marché du livre retrouver des couleurs avec + 4,5 % en novembre (merci Harry Potter) et + 1 % en décembre. Sa tendance annuelle évolue néanmoins, depuis le mois de mars, environ un point au-dessous de la moyenne de l’ensemble du commerce de détail (voir graphique), quand en 2015 il se situait, selon les périodes de l’année, de 1 à 2,5 points au-dessus.

Seul le circuit des grandes surfaces culturelles, surtout dopé par le dynamisme retrouvé de la vente en ligne après un trou d’air l’année précédente, tire son épingle du jeu en 2016, avec une croissance de 2,6 %. Les librairies de 1er niveau enregistrent un tassement de 0,7 %. Les librairies de 2e niveau connaissent une baisse un peu plus importante, à - 1,5 %. Surtout, les ventes de livres dans les hypermarchés, en recul constant depuis une bonne décennie, et en phase avec le bas niveau de ventes des best-sellers en 2016 (2), font un nouveau plongeon de 5,3 %.

Trois locomotives

Alors que sept secteurs - romans, jeunesse et BD en tête - tiraient la croissance en 2015, seuls trois secteurs voient leurs ventes croître en 2016 : la jeunesse (+ 4,5 %) et, dans une moindre mesure, le poche (+ 1,5 %) et les essais (+ 1,5 % également). Ces derniers ont bénéficié du soutien de plusieurs long-sellers (Le charme discret de l’intestin, Calme et attentif comme une grenouille, Sapiens…) et de la performance inhabituelle d’une bonne demi-douzaine de livres politiques, dopés, entre autres, par le succès de la primaire à droite. La bande dessinée, privée cette fois d’un Astérix qui impacte toujours fortement le bilan du secteur, et les sciences humaines résistent. Tous les autres rayons sont en retrait, y compris le scolaire, qui a fait les beaux jours de l’édition en 2016, mais dont l’essentiel des ventes échappe au commerce de détail, seul pris en compte ici. Certes, les beaux livres (- 1,5 %) reculent moitié moins qu’en 2015. Mais le roman fait une mauvaise année, de même que les secteurs spécialisés, et, plus encore, les dictionnaires, de plus en plus concurrencés par des services correspondants en ligne.

Coup d’arrêt aux retours

L’absence de croissance du marché du livre, qui s’est accompagnée en cours d’année, selon l’Insee (voir graphique), d’un relèvement des prix supérieur, pour la première fois depuis longtemps, à l’indice général des prix à la consommation, a été gérée avec prudence par les détaillants. D’après nos données Livres Hebdo/I+C, tandis que la fréquentation des commerces de livres et le panier moyen d’achat des clients sont restés stables, les stocks ont encore été légèrement resserrés l’an dernier, à 82 jours de vente, contre 83,5 en 2015. Un net coup d’arrêt a été porté aux retours, dont le taux moyen annuel s’inscrit désormais à 24 %, soit 2,5 points au-dessous du taux moyen de l’année précédente. Ainsi, excepté au troisième trimestre, le plus mauvais de l’année, la trésorerie des commerces de livres est restée stable, et s’est même améliorée dans plus de quatre points de vente sur cinq.

L’adaptation de l’ensemble de la chaîne du livre au dynamisme modéré des ventes s’illustre également dans la maîtrise de la production. En très légère hausse (+ 1,5 %, à 68 069 titres) d’après nos données Livres Hebdo/electre.com, le nombre de nouveautés et de nouvelles éditions, qui s’inscrivait en retrait de 1,7 % en 2015, retrouve à peine en 2016 son niveau de 2014 (voir graphique). Et les évolutions apparaissent relativement peu contrastées d’un secteur à l’autre. La production augmente de 2 % à 5 % suivant les catégories dans le secteur jeunesse comme en littérature, en bande dessinée ou religions. Elle progresse un peu plus en santé, tourisme, politique et enseignement. Elle est stable en droit, se tasse en fantastique et SF, et recule en cuisine, langues, arts, histoire, médecine ou régionalisme. F.P.

(1) Voir "Le marché en 2015. Ça repart !", LH 1070, du 29.1.2016, p. 20-23.

(2) Voir nos palmarès complets des meilleures ventes de livres en 2016 dans LH 1113, du 20.1.2017, p.16-32.

Ventes : une année de stabilité

La production retrouve son niveau de 2014

Rebond du prix des livres

Etranger : le livre résiste bien

 

Avec l’aide des magazines et sites professionnels du livre dont Livres Hebdo est partenaire, tour d’horizon des principaux marchés du livre internationaux en 2016.

 

Une librairie Feltrinelli à Bologne, en Italie.- Photo MICHEL COMBE/LH

Tandis que Harry Potter et l’enfant maudit de Jack Thorne, d’après J. K. Rowling, et La fille du train de Paula Hawkins ont porté les marchés du livre dans le monde entier en 2016, le numérique, qui marque le pas chez les Anglo-Saxons, devient un relais de croissance là où les ventes papier baissent.

Royaume-Uni + 4,9 %

Pour la seconde année consécutive, le marché britannique croît à 1,6 milliard de livres sterling (+ 4,9 %) et 195,1 millions d’exemplaires (+ 2,3 %), notamment grâce au meilleur Noël depuis 2007. Harry Potter domine les ventes, suivi de La fille du train et de deux livres de cuisine de Joe Wicks, tandis que David Walliams poursuit son ascension. D’après The Bookseller.

 

Etats-Unis + 3,3 %

Nielsen, qui couvre 80 % du marché américain, annonce pour le marché du livre imprimé, en hausse depuis trois ans, une croissance des ventes de 3,3 %. La fiction est en léger repli (- 1 %) alors que progressent la BD (+ 12 %) et la fiction jeunesse (+ 3,8 %), tirée par Harry Potter (4,5 millions de ventes) et deux autres titres dépassant le million : le 11e volet du Journal d’un dégonflé et Killing the rising sun, sur la guerre contre le Japon. Avec une croissance de la production (+ 108 %) et des ventes (+ 48 %), la non-fiction est florissante grâce aux coloriages pour adultes (3 500 titres). Le livre numérique chute de 16 %, mais l’autoédition résiste très bien. D’après Publishers Weekly.

 

Allemagne + 0,9 %

Après plusieurs années de baisse ou de stagnation, le marché allemand affiche une hausse de 0,9 % en 2016, et de 1,4 % sur le seul mois de décembre. La baisse des ventes des librairies traditionnelles a été compensée par la hausse des prix des livres (+ 2,2 %). Un polar de Sebastian Fitzek domine les ventes, suivi de Harry Potter, un ouvrage de médecine alternative signé par une vedette de la télévision, Elena Ferrante, un polar de Nele Neuhaus et du 11e tome du Journal d’un dégonflé. D’après Buchreport.

Espagne + 3 %

Alors que l’édition espagnole a perdu 600 millions d’euros de chiffre d’affaires entre 2009 et 2015, le marché se redresse de 3 % à 3,5 % en 2016, essentiellement grâce au scolaire. La fiction et les documents sont stables tandis que l’édition pour la jeunesse chute de 5 %. Les ventes numériques approchent les 10 %, dont 60 % sont réalisées hors d’Espagne (50 % en Amérique latine, 20 % aux Etats-Unis). Les animaux fantastiques et Harry Potter talonnent les auteurs espagnols Fernando Aramburu, Carlos Ruiz Zafón, Dolores Redondo ou Arturo Pérez-Reverte dans les meilleures ventes. D’après dosdoce.com.

Italie + 0,6 %

En 2016, le marché italien progresse légèrement en valeur (+ 0,6 %), mais baisse en exemplaires vendus (- 2,6 %). Depuis 2011, première année de la crise en Italie, la chute atteint - 7,8 % en valeur et - 10,2 % en exemplaires. La fiction, la jeunesse, les sciences humaines et sociales, et les essais font les ventes. Au Top 3 : Harry Potter, La fille du train et L’altro capo del filo d’Andrea Camilleri. D’après Informazione editoriale.

Suède + 0,2 %

Sur les huit premiers mois de 2016, les ventes de livres en Suède sont stables (+ 0,2 %) en valeur et en exemplaires. L’événement majeur a été le rachat en juin de Norstedts, 2e groupe d’édition du pays, par Storytel, une plateforme de livres audio et de livres en streaming qui compte 360 200 abonnés, dont 230 800 en Suède, et un chiffre d’affaires de 494 millions de couronnes en hausse de 65 %. Au Top 3 de la fiction, deux auteurs de polars, Lars Kepler et Leif GW Persson, et Elena Ferrante. En jeunesse, Harry Potter, suivi de deux titres du Suédois Martin Widmark. D’après Svensk BokHandel.

 

Norvège + 0,7 %

Stable depuis plusieurs années, le marché norvégien s’inscrit à + 0,7 % en 2016 (+ 1,3 % pour l’édition généraliste hors scolaire et universitaire). Si la littérature générale adulte recule, la fiction et le documentaire jeunesse norvégiens progressent (respectivement + 78,2 % et + 13,6 %), tout comme la fiction jeunesse étrangère (+ 7,2 %). Meilleure vente de l’année : Two sisters de la journaliste Asne Seierstad, l’histoire de deux sœurs radicalisées parties en Syrie. D’après Bok365.

Brésil - 3,5 %

Dans une année difficile économiquement et politiquement, les ventes de livres reculent de 3,09 % en valeur et de 10,8 % en nombre d’exemplaires vendus au Brésil selon Nielsen, qui agrège les données de 65 % du marché, mais le numérique explose, à + 450 % (1,2 million d’ebooks vendus). Le frein aux programmes éducatifs gouvernementaux pénalise notamment les éditeurs pour la jeunesse. Harry Potter est la 5e vente derrière l’auteure britannique de romance Jojo Moyes, le père Marcelo Rossi et Larissa Manoela, une actrice brésilienne. D’après PublishNews.

Japon - 0,7 %

A 737 milliards de yens, le marché japonais accuse une baisse de 0,7 %. Harry Potter est le seul titre à dépasser le million d’exemplaires vendus. Les ventes de livres numériques progressent de 13,2 %, à 25,8 milliards de yens), et les e-mangas de + 27,1 %, à 146 milliards. D’après Bunkanews.
C. C.

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