"Nous n'avons pas à vulgariser, mais à proposer des livres complets, beaux. Notre entreprise est fragile, comme toutes, mais nous proposons quelque chose que nous sommes les seuls à savoir faire." SOPHIE LINON-CHAPON, PRESSES UNIVERSITAIRES DE PARIS-SORBONNE- Photo OLIVIER DION

Au départ, nous étions 8 presses universitaires à nous fédérer, avec l'idée que la diffusion des ouvrages de recherche devait être assurée par un réseau de représentants spécifiques et qui n'auraient que cela à défendre, se rappelle Pierre Corbel, président des Presses universitaires de Rennes et de l'Association française des presses d'université-Diffusion (AFPU-D). Car si ces livres sont diffusés en même temps que ceux des éditeurs commerciaux, ils sont sacrifiés." Tel était donc le pari : se regrouper pour favoriser le placement du livre de recherche en librairie, et en assurer la distribution commune.

Aujourd'hui, ce sont 28 éditeurs universitaires qui sont affiliés à l'AFPU-D, avec une diffusion de 2 000 titres par an. Dès le départ, 4 représentants se sont partagé le territoire. La distribution, initialement assurée par Distique, revient depuis 1998 à la Sodis et à Gallimard-export pour l'étranger. "Nous serons toujours redevables à André Imbaud [P-DG de la Sodis jusqu'en 2007, NDLR] d'avoir accepté de nous diffuser, avec les difficultés qu'implique un consortium de 28 éditeurs, avec des tirages et des ventes au compte-gouttes », souligne le président. D'autant que le fait d'être distribué par un groupe tel que Gallimard a contribué à faire évoluer le travail des presses universitaires. "Cela nous a professionnalisés, se félicite Sophie Linon-Chapon, vice-présidente de l'association et responsable éditoriale aux Presses universitaires de Paris-Sorbonne. Il nous a fallu nous tenir au rythme de l'office, respecter le planning de commercialisation... »

PEU DE RETOURS

La progression du chiffre d'affaires brut est depuis constante, pour atteindre 5 millions d'euros cette année... même si la vente au titre reste stable. "Cela facilite aussi grandement le travail des libraires et les encourage à passer commande », souligne Pierre Corbel, en précisant que la mise en place est décidée entre le représentant et le libraire. Celle-ci, prudente (200 exemplaires en moyenne hors manuels), permet aussi un taux de retour très bas (19 %) : "Cela ne sert à rien d'imposer des piles d'exemplaires aux libraires. Ce qui compte, c'est qu'ils aient envie de prendre un risque, de miser sur la diversité. C'est parce qu'ils font ce pari que le livre universitaire est toujours vivant. Sans cela, il serait condamné à mourir étouffé dans le réseau du bouche-à-oreille des chercheurs, qui commandent de toute façon sur Amazon. On compte beaucoup sur les libraires, c'est leur travail qui fait vivre la recherche dans l'espace public. »

Pour les presses d'université, être diffusé par l'AFPU-D est donc une chance. "Mais les conditions d'affiliation sont plus strictes aujourd'hui qu'au départ, puisque nous sommes déjà nombreux", avertit Sophie Linon-Chipon. Elle met aussi en avant la dynamique qu'impulse l'association à ses éditeurs : des journées de formation et des ateliers sont organisés pour professionnaliser des équipes parfois "issues des services de reproduction des facs ». L'émulation est aussi très importante, et certaines presses émergent dans le catalogue, pour aller rejoindre le "peloton de tête » constitué par les presses fondatrices.

Ces dernières ont bien profité du développement permis par ce système fédéral : les PUR (Rennes) offrent ainsi plus de 220 titres par an, en regroupant plusieurs pôles universitaires de l'Ouest, et les PUPS 70. Néanmoins, beaucoup de choses peuvent être améliorées. Pour Sophie Linon-Chipon, il est par exemple indispensable de développer collégialement l'activité des éditeurs universitaires. Et de prendre l'exemple de Paris : "On fait rire la terre entière en séparant les PUPS, les Presses de la Sorbonne nouvelle et les Publications de la Sorbonne. Un seul pôle serait d'une puissance inouïe !"

SALONS

Les projets sont nombreux, dont le développement de la communication en étant davantage présent sur les salons. L'AFPU-D participe notamment à la manifestation Les Rendez-vous de l'Histoire de Blois, où elle organise des conférences, des débats, des rencontres d'auteurs. Mais Sophie Linon-Chipon voit plus loin avec le projet d'"un stand au salon d'Abu Dhabi en 2012". On n'arrête pas l'esprit d'initiative de celle qui est aussi maître de conférences en lettres à la Sorbonne et qui a créé le site Afpu-d.fr en 2009. "Ce n'est encore qu'un portail, note-t-elle. L'objectif initial était de proposer un catalogue par mots-clés qui redirige vers les sites de chaque éditeur pour les commandes, de façon à permettre aux libraires de préparer une vitrine ou un stand. » Mais la mise en ligne de l'intégralité de tous les catalogues, en remontant aux parutions antérieures à la création du site, est désormais en chantier. "Et puis on mettra en place un module qui permettra aux professionnels de commander directement en ligne », promet-elle.

L'association ne compte qu'une seule salariée, la responsable administrative et financière. Les représentants sont payés en fonction des mises en place, et tous les autres sont bénévoles. Mais l'énergie est pourtant palpable. Normal, pour Sophie Linon-Chipon : "Individuellement, nous sommes trop petits, ou pas assez rentables pour négocier avec un distributeur. Là, nous avons les moyens de mettre en valeur notre travail. On est sur une niche éditoriale. Nous n'avons pas à vulgariser, mais à proposer des livres complets, beaux. Notre entreprise est fragile, comme toutes, mais nous proposons quelque chose que nous sommes les seuls à savoir faire." L'union fait non seulement la force, mais aussi la bonne humeur.

04.06 2015

Auteurs cités

Les dernières
actualités