Dossier Tourisme

Tourisme : une chambre en ville

L’année dernière, les Français ont privilégié les vacances dans l’Hexagone. Ici, une chambre d’hôtel à Nice. - Photo Jose NICOLAS/EXPLORER

Tourisme : une chambre en ville

En 2012, le marché des guides de voyage a ressenti pour la première fois de manière significative les effets de la crise économique. Face à une conjoncture incertaine, les éditeurs privilégient les nouvelles éditions tout en creusant les sillons du tourisme urbain et des guides thématiques, plus porteurs.

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Par Véronique Heurtematte
Créé le 11.10.2013 à 19h48 ,
Mis à jour le 09.04.2014 à 17h41

Sans doute sous les effets conjugués de budgets resserrés pour quantité de foyers français, d’une météo qui s’est montrée peu clémente en France au printemps et au début de l’été ainsi que de contextes politiques difficiles dans un nombre grandissant de pays, le marché des livres de tourisme a chuté en 2012 : - 4,2 % en nombre d’exemplaires vendus, - 3,1 % en valeur… « Pour la première fois, on ressent un effet réel de la crise sur notre marché », observe Nathalie Pujo, directrice générale d’Hachette Tourisme.

Même les ouvrages sur la France, jusqu’alors épargnés, ont enregistré une baisse considérable. L’année dernière, beaucoup de Français ont privilégié des vacances dans l’Hexagone (voir encadré p. 7), mais sans guide dans leur valise. Lonely Planet prévoit néanmoins de développer de manière importante ce segment en 2013 afin de compléter son catalogue. Sa collection « L’essentiel », en particulier, accueillera quatre nouveaux titres : Bretagne, Corse, Languedoc-Roussillon et Provence et Côte d’Azur. Les autres éditeurs mènent une importante politique de mise à jour de leurs titres existants.

 

Le Maghreb en chute libre

 

Les destinations monde ont enregistré une baisse notable mais paradoxalement moins forte que les destinations européennes et françaises. En raison du contexte politique dans ces contrées, le Maghreb et l’Afrique subsaharienne sont en chute libre. Mais, dans le reste du monde, quelques régions et pays sortent tout de même du lot, notamment l’Asie et les Antilles-Caraïbes. Les éditeurs se montrent en tout cas prudents sur ce segment. Un titre sur le Pérou est paru en début d’année dans la collection « Guide voir » d’Hachette Tourisme. Marcus ne prévoit aucune nouveauté, mais plusieurs mises à jour (Turquie, Sri Lanka) avec des tirages revus à la baisse. Le Petit Futé publiera quelques nouveautés, dont Angola et Surinam, mais reconnaît avoir réduit son programme. Gallimard, en revanche, affirme que les résultats des destinations long-courrier se sont bien maintenus dans la « Bibliothèque du voyageur », qui accueille trois nouveautés au premier trimestre (Finlande, Maroc et Namibie). Ses collections de guides pratiques toucheront également de nouvelles destinations lointaines, avec notamment au programme Turquie et Vallée du Nil parmi les « Géoguide », et Thaïlande dans la collection « Mode d’emploi ». Chez National Geographic aussi, on se déclare satisfait des résultats des guides pratiques, qui bénéficient depuis l’an dernier d’une nouvelle maquette modernisée. « L’important travail de fond que nous avons entrepris porte ses fruits », se réjouit Françoise Kerlo, directrice éditoriale de National Geographic et Geo France. Une douzaine de nouvelles éditions sont prévues ainsi que deux nouveautés, Vienne et Colombie. Aux éditions du Jaguar, spécialistes de l’Afrique, les titres de la collection « Aujourd’hui » ont maintenu globalement de bonnes ventes, sans doute en raison de la présence de chapitres détaillés consacrés à la vie politique, économique et sociale des pays. « Malgré la situation, nous avons par exemple continué à vendre des guides sur le Mali, note Nicole Houstin, directrice adjointe de la marque au sein du groupe Jeune Afrique. Mais sans doute à des personnes désireuses de comprendre les réalités de ce pays plutôt qu’à des touristes. » La collection se modernise avec une nouvelle maquette et un nouveau format plus pratique. Deux nouveautés sont programmées pour le printemps : Congo-Brazzaville et Djibouti.

 

Tous en ville

 

Très en vogue depuis plusieurs années, les destinations citadines ont constitué le seul segment à enregistrer de la croissance en 2012. Les éditeurs étoffent donc tout particulièrement leurs collections dans ce sens. Chez Gallimard Loisirs, la collection « Cartoville » poursuit son développement avec six nouveautés en 2013, dont Bruges & Gand, Hyères, Nice et Porto, et accueille une nouvelle série dans laquelle un dessinateur livre sa vision d’une destination. Premier titre à paraître en mars : Londres vue par Pénélope Bagieu. De son côté, Ouest-France propose un « City guides illustrés » sur Marseille. En Voyage éditions/Lonely Planet intègre cette année quatre titres citadins (Londres, Rome, New York et Barcelone) dans la collection « L’essentiel », lancée en 2012, et deux dans la collection de city guides « Cheap & chic » (Budapest et Tel-Aviv). L’éditeur crée, dans le même esprit, « Partir en famille », une série d’ouvrages à la maquette colorée et dynamique, très illustrés et destinés à répondre aux centres d’intérêt des parents comme des enfants. Cinq destinations inaugurent la collection : New York, Bruxelles, Londres, Rome et Barcelone.

Hachette Tourisme prévoit plusieurs nouveautés dans ses collections « Un grand week-end à… » (Milan, Copenhague), « Guides bleus » (New York, Madrid) et plus encore au Guide du routard, qui prévoit une douzaine de nouveautés villes parmi lesquelles Montréal, Moscou, Nantes et Saint-Pétersbourg. « En proposant beaucoup d’informations et des solutions pour voyager pas cher, Le Guide du routard est parfaitement adapté au contexte de crise actuel », souligne Philippe Gloaguen, directeur de la célèbre marque.

Les guides thématiques, qui se sont fortement développés au cours des deux dernières années, confirment aussi leur succès. Les éditions Jonglez, positionnées sur la niche de l’insolite, revendiquent une très bonne année 2012. La maison prévoit plusieurs nouveautés cette année, dont Montréal insolite et secrète et Normandie insolite et secrète, ainsi que plusieurs mises à jour : Barcelone, Marseille, Pays basque. Ouest-France a aussi investi ce segment et annonce plusieurs nouveautés, dont Guide secret de Marseille et de ses environs, Guide secret du Mont-Saint-Michel, Hébergements insolites en Bretagne.

Fort du succès de ses précédentes initiatives, Le Guide du routard multiplie, quant à lui, les parutions en lien avec un événement culturel. Sont parus au dernier trimestre 2012 Nord - Pas-de-Calais, la région des musées et Marseille - Provence 2013, capitale européenne de la culture. Gallimard Loisirs poursuit également les titres thématiques dans ses « Géoguide » avec Week-ends bio en France. Le Petit Futé a prévu, de son côté, deux nouveautés dans la série Guide de l’amateur, consacrée aux escapades gastronomiques : Guide de l’amateur de rosé et Guide de l’amateur de cognac.

Les ouvrages d’inspiration ont également les faveurs du public. Entre guides pratiques et beaux livres, les titres de la collection « 1 000 idées » de Lonely Planet maintiennent de bonnes ventes, de même que les séries Voyages de rêve chez National Geographic (prochaine parution : Destinations d’aventure) ainsi que les séries Geobook et Voyages inoubliables, sous la marque Geo, qui accueilleront au printemps Escapades autour du monde pour la première et Les plus belles villes du monde pour la seconde. Glénat annonce deux nouveautés dans sa collection de petits beaux livres : Le canal du Midi et Les plus beaux ports de Bretagne. Les guides culturels ont plus de mal à trouver preneur. Spécialistes de ce segment, les éditions du Patrimoine se montrent cependant satisfaites de leur année 2012. Plusieurs nouveautés et de nombreuses mises à jour sont programmées dans les collections « Itinéraires du patrimoine » (Le château de Pupetières, Le château du Haut-Kœnigsbourg) et « Ville et pays d’art et d’histoire » (Bar-le-Duc, Angers).

 

Balades courtes

 

Les guides consacrés à des activités de plein air rencontrent un accueil plus inégal. Glénat se montre très satisfait de ses performances au cours de l’année écoulée. « Le panier moyen est en baisse, mais les ventes se maintiennent, car le besoin d’évasion se fait sentir d’autant plus fortement en ces temps de crise. De plus, nous nous adressons à un public de passionnés », estime Isabelle Fortis, directrice générale Livres. Ciblant le grand public, Glénat lance au printemps une nouvelle collection, « Les p’tites escapades », qui proposera des idées de visites et de balades courtes accessibles à tous. Les quatre premiers titres traiteront de la Corse (Autour d’Ajaccio, Autour de Bastia et Saint-Florent, Autour de Calvi et Ile-Rousse, Autour de Porto-Vecchio et Bonifacio). Ouest-France propose également plusieurs titres sur la randonnée et les circuits à vélo, comme Le sentier des douaniers de Bretagne Nord, Le sentier des douaniers de Bretagne Sud ou La France du Nord à vélo par les voies vertes. Chez Marcus, les guides de randonnée traitant d’un pays conservent de bonnes ventes. L’éditeur a prévu pour cette année une mise à jour des titres sur l’Islande et sur Madère, et une nouveauté sur la Norvège.

Le bilan de la Fédération française de la randonnée pédestre est plus en demi-teinte. Aussi l’éditeur poursuit-il le recentrage de sa production autour de ses fondamentaux : les sentiers de grande randonnée. Il affiche un programme 2013 prudent, avec surtout des mises à jour assorties de quelques nouveautés : Voie de Saint-Jacques de Compostelle Bruxelles-Tours, ainsi que L’échappée jurassienne et Marseille-Provence : GR 2013, qui consacrent la création de deux nouveaux sentiers de grande randonnée.

Les chiffres du secteur

Le numérique toujours en phase de maturation

 

Même s’ils croissent, les revenus des applications et des livres numériques restent marginaux. Les éditeurs ne parviennent à animer ce marché émergent en France qu’avec une politique de communication constante.

 

Les touristes français ne sont toujours pas prêts pour le numérique. Selon une enquête menée par Hachette Tourisme, ceux-ci préparent leur voyage sur Internet, mais ils achètent généralement un guide papier pour partir. Ils sont encore très peu nombreux à recourir aux applications pour smartphones, comme le confirment les expériences de l’éditeur dans ce domaine. Les applications issues des collections « Le Guide du routard » et « Un grand week-end à… » enregistrent toujours des ventes marginales. « En France, la lecture du numérique n’a pas encore véritablement décollé », constate Nathalie Pujo, directrice générale d’Hachette Tourisme. Thomas Jonglez, directeur des éditions du même nom, renonce d’ailleurs à poursuivre dans cette voie après l’échec de sa tentative sur Londres l’an dernier, à l’occasion des jeux Olympiques. « Nous avions fait deux versions, une en français et une en anglais. Les ventes ont été nulles ! » déplore-t-il.

En Voyage éditions/Lonely Planet n’envisage pas non plus de développer les applications. « Les expériences sur le marché anglo-saxon ne sont pas concluantes », explique Frédérique Sarfati, directrice de la marque. Chez Gallimard Loisirs, en revanche, qui a ouvert, en 2012, dix nouvelles destinations parmi ses applications SmartCITY week-end, le constat est plus positif. « Quand on se donne les moyens d’exister dans les boutiques en ligne, les ventes sont au rendez-vous, assure Line Karoubi, directrice générale de Gallimard Loisirs. Mais cela nécessite d’animer en permanence, avec une stratégie de communication propre à cet univers. » Pour mettre toutes les chances de son côté, l’éditeur a baissé le prix de ses applications, désormais à 2,99 euros. Gallimard prévoit aussi de faire appel à un community manager.

 

Préparation au voyage

Les sites Internet des éditeurs proposant des informations, des outils de préparation au voyage ainsi que des forums d’échanges entre internautes, qui sont souvent les pages les plus prisées, rencontrent, en revanche, un succès réel (1). Avec plus de 2 millions de visiteurs uniques et 28 millions de pages vues par mois, le succès du site Internet du Guide du routard, qui s’offre une nouvelle maquette en mars, ne se dément pas. Idem pour le site Web du Petit Futé ou celui d’En Voyage éditions/Lonely Planet, lancé en décembre dernier.

Les résultats concernant les livres numériques sont plus contrastés. Lonely Planet propose systématiquement ses titres en version ebook, mais les ventes restent peu importantes. La Fédération française de la randonnée pédestre propose aussi ses titres en version imprimée et numérique, mais elle consacre sa réflexion à une offre complète qui associerait cartographie embarquée sur GPS et différents services au-delà de la simple description d’itinéraires. Toujours très volontariste en la matière, Le Petit Futé escomptait doubler ses ventes de livres numériques en 2012. Elles n’auront augmenté que de 45 %, mais ce segment représente déjà 3,5 % du chiffre d’affaires de la maison, qui vise les 10 % d’ici deux ans. « Les ventes de livres au format ePub, très interactifs, sont en train de décoller, observe Jean-Paul Labourdette, directeur du Petit Futé. C’est là que se trouve l’avenir. »

(1) Voir aussi notre article sur Wikivoyage, « Faut-il suivre l’eGuide ? », dans LH n° 941 du 15 février 2013.


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