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Sur la route de La Rochelle/3 : Avallon, L’Autre Monde, une petite Fnac

cécile charonnat

Sur la route de La Rochelle/3 : Avallon, L’Autre Monde, une petite Fnac

Sur le parcours de Lille à La Rochelle, où les 4es Rencontres nationales de la librairie auront lieu les 25 et 26 juin, Livres Hebdo marque une troisième étape à Avallon. C’est là qu’Evelyne Levallois, membre du conseil d’administration du SLF, et Carole Amicel ont choisi de redonner un coup de fouet à la plus que centenaire librairie Voillot pour en faire un lieu éclectique et ouvert.

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Par Cécile Charonnat,
Créé le 02.06.2017 à 01h32 ,
Mis à jour le 02.06.2017 à 07h10

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epuis qu’elle est dans le métier, Evelyne Levallois n’avait encore jamais mis les pieds aux Rencontres nationales de la librairie (RNL). Mais cette année, il lui a semblé "logique et intéressant" d’intervenir lors d’un des ateliers dédiés à la relation libraire-représentant. Son expérience chez Volumen, pour qui elle a sillonné les routes pendant huit ans avant de reprendre en 2013 avec sa compagne, Carole Amicel, la librairie Voillot à Avallon (Yonne), rebaptisée L’Autre Monde, lui offre en effet l’avantage de comprendre et de maîtriser tous les enjeux de cet exercice clé du métier de libraire.

"La connaissance des différentes professions du livre amène dans ce monde une porosité qui enrichit chacun", témoigne Evelyne Levallois, qui a fait ses armes de libraire à la Fnac Val d’Europe (Marne-la-Vallée). A L’Autre Monde, cette expertise lui a permis d’obtenir une excellente marge commerciale tout en gagnant la confiance de la plupart de ses interlocuteurs. "Ils savent qu’avec ce que j’achète, il y aura du chiffre à la clé", note Evelyne Levallois, qui profite de chaque rendez-vous, qu’elle prépare notamment grâce à l’Observatoire du Syndicat de la libraire française (SLF), pour faire un point sur les retours et les remises. Elle passe également beaucoup de temps à "négocier : des surremises, des 13/12 et des impasses sur certains titres, ce que l’on ne fait pas encore assez", estime la libraire.

Pour le respect des dates de mise en vente

Au-delà, pour Evelyne Levallois et Carole Amicel, l’engagement dans le collectif, qu’il soit institutionnel ou associatif, relève de la nécessité. "J’ai trop vu, quand j’étais représentante, des libraires s’enfermer dans leur boutique et perdre pied avec la réalité du monde culturel et celui de la librairie, s’arc-boutant sur des chevaux de bataille dépassés", pointe Evelyne Levallois. Elle a donc rejoint en juin 2016 le conseil d’administration du SLF. "J’y suis allée à la fois pour la réflexion qui y est menée, mais aussi pour comprendre les enjeux et les implications de nos choix d’aujourd’hui sur l’avenir du métier", explique la libraire, qui cite en exemple le combat engagé sur le respect des dates de mise en vente des livres. "Nous bataillons là-dessus pour que les libraires prennent conscience que le jour où Amazon s’arrogera cette liberté-là, parce que nous l’aurons trop souvent prise nous aussi, nous serons morts." Autre force du syndicat : mutualiser la parole et le poids des libraires, qui ne sont plus "des atomes isolés dans la galaxie du livre".

Depuis qu’elles ont acheté leur librairie, Carole Amicel et Evelyne Levallois se sont également investies dans le groupement Initiales, où Carole Amicel assurait le secrétariat du bureau avant de prendre, fin mai, la vice-présidence de l’association. Elles y trouvent du partage et des solutions à leurs problèmes, "que bien souvent quelqu’un a déjà rencontrés", souligne Carole Amicel, et un moyen "de sortir de nos quatre murs et d’avoir chacune notre pré carré". Une respiration et une ouverture sur l’extérieur bienvenues pour le couple, qui n’avait jamais travaillé ensemble auparavant. Lorsqu’elles reprennent la librairie, Carole Amicel est technicienne supérieure dans l’imprimerie chargée de grands comptes. Elles ont été séduites par le potentiel de la librairie, seule sur une zone de chalandise de 25 000 habitants, et surtout "loin d’être au taquet commercialement". Elles se lancent dans l’aventure avec pour premier objectif d’aérer et de rajeunir le magasin "encombré, sombre, peu circulant et surtout véritable royaume de la PLV. Notre prédécesseur était un serial gardeur", se souviennent les deux libraires. Elles donnent pour première consigne à l’équipe en place "de jeter à la poubelle" tout ce qu’elle veut. Puis elles réduisent de 50 m2 la surface de vente, trop grande par rapport au chiffre dégagé, pour la ramener à 200 m2. Le stock subit très vite la même cure d’amaigrissement. "De 24 000 références, nous sommes passées à 18 000, ce qui reste encore un peu lourd, analysent les libraires. Surtout, nous avons repris chaque titre pour, au final, réimplanter un assortiment."

Parallèlement, l’esthétique de la librairie est retravaillée : moquette et faux plafonds sont arrachés pour laisser la place aux pierres murales et à la lumière naturelle, l’électricité et l’éclairage sont entièrement refaits et les rayons sont réorganisés. La jeunesse rejoint la papeterie, repoussée en fond de magasin et dont la disposition est optimisée grâce à un mobilier adapté. Des tables de présentation et de la signalétique font leur apparition, contribuant à donner de la visibilité à l’ensemble de l’offre, désormais classée par thématiques et non par distributeurs, et rangée au cordeau afin que libraires et clients s’y retrouvent. "Le but, c’était que le magasin acquiert ce qui fait la force d’une vraie librairie généraliste : être un endroit ouvert dans lequel chacun entre, quels que soient ses goûts, lecteur ou pas, et y trouve ce qui lui plaît, de la cuisine comme de la BD, de la littérature comme de la jeunesse, des sciences humaines comme des livres pratiques. Ici, on lit ce que l’on veut", martèlent les deux libraires, qui portent également une attention particulière à l’accueil et se sont battues pour que "les gens ne murmurent plus dans la librairie".

Eclectisme

Pour accentuer cet éclectisme, elles font voisiner sur leurs tables ouvrages pointus et livres très grand public et ont introduit, il y a trois ans, des jouets et des jeux, d’abord pour les enfants puis, devant le succès, pour les adultes. "Au départ, nous voulions que les gens qui ont un cadeau à faire puissent se dire qu’ils trouveront forcément quelque chose à L’Autre Monde, notamment pour les tout-petits. Mais nous nous sommes vite rendu compte que la mayonnaise prenait et que, pour les jeux comme pour les livres, les gens recherchent du conseil et de l’expertise", pointent Carole Amicel et Evelyne Levallois, qui organisent une fois par semaine des après-midi jeu et testent chaque modèle qu’elles proposent à la vente. Leur librairie est comparée par certains de leurs clients "à une Fnac", un compliment que les deux libraires apprécient. "D’aucuns pensent même que l’on trouve plus de choses à L’Autre Monde qu’à la Fnac, se réjouit Evelyne Levallois. Même si dans la réalité ce n’est pas vrai, avoir réussi à créer ce sentiment est l’une de nos plus belles réussites."

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