Musique & sortilèges. Des prémonitions jaillissant d'un piano, des coups assénés par des contrebasses et des aveux arrachés par une flûte à bec. Dans La tisseuse de mélodies, son premier roman, estampillé « jeune adulte », Sarah Abassi, pianiste à ses heures perdues, imagine un monde dans lequel les instruments lancent des sortilèges. Bienvenue à Solvara, un royaume qui voue un culte à Sol, dieu de la musique. Ses élites politiques y sont constituées de maestros, et ses communautés religieuses, de musiciens virtuoses. Shona, elle, fait partie des quarante-neuf tisseuses de mélodies du pays, des jeunes filles capables de voir le futur en composant des morceaux. Un don qui se retourne rapidement contre elle lorsqu'une prémonition la dépeint en train de commettre un régicide. Contrainte de collaborer avec un jeune aristocrate peu affable, la religieuse a une certitude : « Nul n'échappe à son destin. »
Dans le joyeux charivari de la romantasy, difficile de se faire remarquer. Ouverture de librairies dédiées, lancement de labels éditoriaux en pagaille... Le marché est de plus en plus dense et les coutures des récits sont de plus en plus apparentes. Ainsi, il n'est pas rare de croiser une héroïne dont les aptitudes extraordinaires la transforment en « élue », contrainte de côtoyer son ennemi qui deviendra progressivement l'objet de ses désirs. Et en cela, dans La tisseuse de mélodies, le cahier des charges est rempli. Premier tome d'une saga, le roman s'écarte néanmoins des chemins balisés en posant les premières pierres d'un édifice singulier, un univers où la musique tient presque du monomaniaque.
Compartimenté entre la religion, une affaire de femmes, et la politique, l'apanage des hommes, Solvara est une société dystopique qui s'ignore, creuset d'une critique sociale naissante, verbalisée par Shona. « Ce n'est pas une histoire de talent, mais bien une question de privilège », commente-t-elle à propos du manque de femmes musiciennes. Un petit air antisystème très cher à la littérature pour jeunes adultes, qui a rayonné à coups de franchises comme Hunger Games et Divergente. C'est dans cet interstice entre religion et politique qu'émerge une vision de l'art ambivalente mais passionnée, portée par une écriture ornée et généreuse.
La tisseuse de mélodies. Vol. 1
Hachette romans
Tirage: 14 000 ex.
Prix: 25,90 € ; 400 p.
ISBN: 9782017221456