Quelles solutions pour le livre français face au défi du numérique ?

badges distribués par le SNE au Salon du livre de Paris 2012 © Olivier Dion

Quelles solutions pour le livre français face au défi du numérique ?

Limiter la décote du prix des ebooks, créer des centres régionaux d'impression à la demande et trouver une solution économique pour le prêt d'ebooks en bibliothèque font partie des pistes envisagées au Salon.

Par Hervé Hugueny,
avec hh Créé le 15.04.2015 à 21h00

Poursuivant son rôle d'initiateur de production d'études, le Centre national du livre (CNL) s'est associé au Centre d'analyse stratégique (CAS), “institution d'expertise et d'aide à la décision placée auprès du Premier ministre”, pour publier trois synthèses présentées lundi 19 mars au Salon du livre lors du colloque organisé par le CNL sur “le livre français face au défi du numérique”. Ces synthèses portent sur les trois segments essentiels de la chaîne du livre - les éditeurs et auteurs, les libraires, les bibliothécaires -, et s'efforcent d'avancer des propositions concrètes pour chacun d'entre eux.

Pour l'édition, le CAS rappelle que le numérique va remettre en cause une organisation et une rentabilité propres aux groupes français : “En contrôlant le processus de distribution, les éditeurs français se sont donné les moyens de dégager des marges plus importantes qu'avec leur seule activité éditoriale. L'intégration de la distribution reste aujourd'hui encore l'une des principales sources de la bonne santé économique des éditeurs français mais aussi de la diversité de l'offre éditoriale.” De même, des prix bas entraîneraient la disparition du poche, autre source de bénéfices importante, d'où la proposition inhabituelle de “limiter la décote du livre numérique par rapport au livre imprimé original”.

60% de parts de marché pour Amazon


La note concernant l'édition propose aussi de “créer une réelle interopérabilité des fichiers entre les différents modèles de tablettes et de liseuses”, ainsi qu'un “regroupement de la distribution française du livre numérique autour d'une plateforme unique”, et suggère de “former un groupe d'enseignants et d'inspecteurs de l'Education nationale experts sur le manuel scolaire numérique, afin d'orienter les éditeurs vers les dispositifs les plus prometteurs en termes d'apprentissage”. Elle envisage enfin de “prévoir une annexe dans le contrat d'édition détaillant clairement toutes les dispositions relatives à l'exploitation numérique de l'oeuvre cédée”.

Pour la librairie, la question du contrôle de la décote du prix revient à travers un regret quant à la mise en oeuvre rapide de la TVA à taux réduit, qui favorise la baisse des prix du livre numérique, et donc les géants de la technologie et de l'Internet. Ces derniers sont les mieux armés sur ce marché, dont ils menacent d'évincer les indépendants, comme c'est déjà le cas pour la vente de livres papier via Internet. Sur les 308 millions d'euros (7 % des ventes) que représentait ce marché en 2009, Amazon en contrôlait 60 %, soit environ 185 millions d'euros. Fnac.com était loin derrière avec 30 %, les “autres acteurs” se partageant les 10 % restants.

La plus inattendue des quatre propositions dédiées au salut des librairies concerne la création d'un “programme de financement régional de centres d'impression à la demande, avec formation de nouveaux métiers à la clé”, à côté d'une mobilisation des “fonds de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles afin de soutenir la mutualisation des librairies qui souhaitent commercialiser, à des conditions avantageuses, des oeuvres du patrimoine numérisé par la BNF, en particulier les ouvrages indisponibles”. La réalisation d'un “bilan complet de l'exonération de contribution économique territoriale pour les librairies labellisées” et le soutien à la “politique de stratégie multicanal des librairies traditionnelles” sont d'un accompagnement plus traditionnel.

La place des bibliothèques dans cet univers passe par l'examen “avec les éditeurs des conditions économiques d'achat de livres numériques”, première proposition qui évoque prudemment la question des droits d'utilisation par les usagers (voir notre décryptage dans Livres Hebdo 901 du 16.3.2012 diffusé sur le Salon). La seconde proposition relève d'un absolu classissisme institutionnel, avec la création d'un “groupe de travail piloté par le ministère de la Culture pour établir des propositions opérationnelles sur l'évolution de la bibliothèque publique”.

_________

Télécharger les 3 synthèses sur le site du Centre d'analyse stratégique
15.04 2015

Auteurs cités

Les dernières
actualités